C.E.R.F. 

Cercle d' Etude de Réformes Féministes

 

[article de synthèse]

 

DE L’URGENCE DE REPENSER LES « LOIS ANTI-HAINE »

 

Les lois « anti-haine », rédigées en fonction des totalitarismes passés,  doivent être repensées en fonction des haines et volontés totalitaires actuelles.

Féministes, homos, minorités diverses : chacun-e plaide pour sa chapelle en demandant toujours plus de répression contre les « phobies », alors qu’une réflexion d’ensemble sur les effets politiques de ces lois, considérées globalement, apparaît indispensable pour faire face efficacement aux périls actuels.

Nous présentons ici une synthèse du droit actuel, une critique de cette législation et des revendications actuelles, ainsi que nos propositions.

 

Les lois que nous désignons par l’expression « anti-haine » répriment des formes différentes de manifestations de « haine » : 

 

I) Violence : Les actes de violence sont généralement punis plus sévèrement lorsqu’ils sont commis en raison de la « race, origine, nation, ethnie, religion » ou de l’« orientation sexuelle » de la victime, ou par son « conjoint ou concubin », ou s’ils sont des actes de terrorisme.

II) Discrimination économique (boycott) et destructions de biens : Les actes de discrimination sont punis quel que soit (ou presque) le critère de « distinction », mais uniquement s’ils consistent dans le refus d’emploi ou de procurer un bien ou un service ou l’entrave à l’exercice d’une activité économique. Le licenciement abusif est sanctionné civilement par le droit du travail. Les destructions de biens sont punies plus lourdement lorsqu’elles sont commises en raison de la « race ou religion » de la victime.

III) Pornographie et autres incitation à la violence, à la discrimination ou à la haine :

1) Incitation à la violence : l’incitation directe à la violence ou au terrorisme, l’apologie de crimes contre l’humanité ou de terrorisme, ainsi que la menace de violence et la violation de sépulture sont interdites à l’égard de toute personne, mais sanctionnées plus sévèrement lorsqu’elle visent des personnes en raison de leur « race ou religion …». L’étranger qui incite à la violence, (ou à la discrimination, ou à la haine) envers « une personne ou un groupe de personnes », sans autre précision de critères, peut être expulsé.

2) Pornographie : la diffusion de messages pornographiques ou violents à l’attention des enfants, ou de messages indécents dans des lieux publics est punie.

3) Incitation à la discrimination : elle est punie lorsqu’elle repose sur la « race ou la religion… » d’une personne.

4) Incitation à la haine : L’injure, la diffamation, qu’elles soient publiques ou privées, sont interdites à l’égard de toute personne, mais sanctionnées plus sévèrement lorsqu’elle visent des personnes ou des groupes de personnes en raison de leur « race ou religion… ». L’incitation à la haine envers une personne en raison de sa « race ou religion… » est punie. La négation de crimes contre l’humanité est punie.

 

Les dispositions législatives actuellement en cours de débat voudraient ajouter à cette liste, le délit de diffamation à l’égard d’autres « groupes » (homo, femmes), l’aggravation des peines pour injures homophobes ou sexistes.

Pendant ce temps, les autorités françaises s’aperçoivent qu’elles ne peuvent arrêter immédiatement la diffusion d’une chaîne arabe diffusant la haine antijuive à longueur d’antenne.

Pendant ce temps aussi, les Etats islamiques mènent campagne pour s’opposer à « l’islamophobie » en faisant interdire la critique de l’islam et le « blasphème » : ainsi, l’ONU vote régulièrement des résolution contre l ‘ « islamophobie » ; en mars 2004, à l’ONU le rapporteur d’une étude sur le racisme estime qu’il y a pire qu’attaquer les musulmans : attaquer l’islam lui-même ; en juin 2004, la Turquie accueille les représentants de l’ensemble des Etats « islamiques », l’OCI, qui tance l’Union européenne pour avoir critiqué des « peines instituées par la Charia  », dont la lapidation.

Or si l’on appliquait la plupart des législations européennes actuellement en vigueur qui condamnent le blasphème, l’Union européenne pourrait en effet être condamnée pour avoir ainsi heurté les sentiments musulmans en condamnant la lapidation, « peine prévue par la Charia  », c’est à dire par Dieu en personne. A Toulouse, en avril 2004, à la suite d’une plainte venant du côté chrétien cette fois, une association de lutte contre le Sida, ayant montré une image de religieuse avec le  slogan « "Sainte-Capote, protège-nous », a déjà été condamnée pour "injures publiques » « envers des personnes en raison de leur appartenance à une religion déterminée" …

 

Nos critiques des dispositions et revendications actuelles sont les suivantes.

 

On comprendrait que le viol commis par un homme sur une femme soit puni plus sévèrement, à cause du risque de grossesse, on comprendrait qu’un homme qui frappe une femme soit puni aussi gravement qu’un homme qui en attaque un autre avec une arme, ou que le meurtre ou le viol de « sa » femme soit puni plus sévèrement comme le sont les autres violences envers elle…mais ce n’est pas le cas.

Mais pourquoi serait-il plus condamnable de frapper un juif ou un gay qu’une personne dont la figure ne plait pas ? Faut-il prendre au sérieux le prétexte « politique » avancé par celui qui a envie de faire souffrir ? Rend-on justice à la victime qui n’entre dans aucune des catégories prévues, en punissant moins lourdement celui qui l’a blessée ? Certes non. La vulnérabilité sociale des groupes « dominés » justifie les mesures contre les discriminations économiques, mais a priori ne justifie pas une modification de l’échelle des peines en cas de violence (physique ou verbale, par injure).

 

La seule justification d’une punition accrue d’acte de violence en raison de la catégorie sociale, nous paraît être le fait que cet acte serait en réalité un début de guerre civile. Harceler physiquement les membres d’un groupe, ou les boycotter, ou s’en prendre à leurs biens, ou poursuivre leurs enfants d’injures dans les cours d’école : cela peut être la première phase de processus menant à des épurations ethniques. Ainsi les pays arabes sont ils devenus « judenrein », ainsi la Corse pourrait-elle se vider de ses « arabes », ou certains quartiers de leurs « céfrans ».

En fait, seuls les groupes formés autour de « familles », (identifiés par « ethnie » « origine » « nation » « race » ou même « religion », car la religion est le plus souvent affaire de famille), ont le triste privilège de pouvoir être l’objet de tentatives d’extermination ou de pouvoir s’opposer dans des guerres civiles. Aussi pensons nous que les actes de violence envers des personnes en raison de leur « race ou religion… », devraient figurer, non plus dans le chapitre décrivant les atteintes aux personnes, mais dans le chapitre du Code Pénal consacré au terrorisme, en tant qu’acte pouvant mener à une guerre civile.

 

En matière de « liberté d’expression », le mélange de la répression des incitations «  à la violence, à la discrimination ou à la haine » rend à notre avis la législation inopérante sinon dangereuse.

La répression des incitations à la violence est impérative. Il y a lieu de les réprimer dans tous les cas lorsqu’elles visent « un groupe de personnes », quelque soit le critère de distinction, dès lors qu’il est suffisamment précis (ex : « les pédés au bûcher »). De même les incitations à la discrimination dans les cas où cette discrimination est elle même réprimée c’est-à-dire, en résumé, en cas de « boycott ».

Nous demandons que la présentation d’actes de violence, notamment conjugale, comme une « norme » ou obligation religieuse, soit réprimée en tant qu’incitation « directe » à commettre des actes de violence en application de ces normes. En ce qui concerne la pornographie, sa diffusion à grande échelle a aussi un effet « normatif » dangereux : nous demandons que soit effectivement appliqué le règlement qui réprime la diffusion de « messages indécents » dans les lieux publics, et qu’il soit étendu aux messages montrant, sans nécessité d’informer, des personnes subissant des actes sadiques ou avilissants.

 

Par contre, le fait de réprimer l’ « incitation à la haine », est non seulement inefficace (les propos sexistes les plus dangereux peuvent être des idées qui n’ont rien de « haineux », ex : « les femmes sont mieux au foyer », de même l’idée catholique que les homos méritent de la « compassion »…), mais quelques procès retentissants ont prouvé qu’il a même un effet très pervers : si la personne accusée prouve que ses intentions sont « pures », ses propos objectivement antisémites ou autres seront labellisés « non antisémites » avec autorité de la chose jugée … De plus, il ouvre la voie à l’instauration du délit de blasphème en France ! (Nb : il existe déjà en Alsace-Lorraine).

En réalité, en matière d’incitation à la violence par incitation à la haine, le plus urgent n’est pas de « chercher le coupable », ni de « sonder les reins et les cœurs » sur les mauvaises intentions, ni de faire des procès byzantins pour distinguer les paroles semant sciemment la haine, de celles qui sont seulement susceptibles d’être mal interprétées, ni de faire définir par le juge les concepts de « racisme », « sexisme », « homophobie » ou le « vrai » contenu d’après le(s) dieu(x) de telle ou telle croyance … Le plus urgent est de pouvoir imposer le silence lorsque certaines paroles, répandues à grande échelle, ou à l’attention de groupes prêts à « s’activer », déclenchent effectivement la violence ! Or notre législation ne parait pas adaptée à cet objectif en cas de danger « pour l’ordre public » au niveau national. C’est ce qu’il faut changer.

 

Quant aux « religions », il faut distinguer les confessions « simples » (confinées à l’intime conviction et au privé) des conceptions religieuses qui empiètent sur le politique, dont les groupes d’adeptes sont aussi de fait des partis politiques. Les théocrates parmi les adeptes de telle ou telle « religion », (partisans d’un royaume catholique en France ou du califat islamique) doivent être requalifiés « totalitaires » sans bénéficier de l’aura, du tabou entourant la religion. En particulier, ceux qui soutiennent les revendications de l’OCI doivent se voir interdire d’utiliser les libertés reconnues par la Déclaration Universelle de 1948, pour détruire ces libertés….

                                 

                                                                                                  Cercle d’étude de réformes féministes     12-2004