DE L’URGENCE DE REPENSER LES « LOIS ANTI-HAINE »

 

   

Au moment même où une large part de la France communie dans une grande messe « contre toutes les discriminations », en demandant toujours plus de répression, s’opère une forme de déni hallucinant, et de l’offensive islamiste contre la liberté de conscience, et de la violence verbale antisémite.

L’Etat français institue en 2003 comme partenaire républicaine au sein du Conseil français du culte musulman, l’UOIF, dont le chef spirituel Youssouf al-Qaradawi, écrit : « L’islam est religion et Etat, foi et Loi, culte et commandement, Livre et épée, pière et jihad tout à la fois, sans division aucune. C’est cela l’islam. L’islam rejette totalement cette fragmentation entre ce qu’on appelle religion et ce qu’on appelle l’Etat : du point de vue de l’islam, tout relève de la religion, tout relève de la Loi  » [1] et «Le premier et principal travail de la femme, (..)  est d’élever les générations futures (..) Personne ne peut remplacer la femme dans cette haute entreprise, dont dépendent l’avenir de la Communauté et sa plus grande richesse, la richesse humaine »[2] , ainsi que la FNMF , dont le chef va embrasser un des chefs des assassins du FIS algérien.

En février 2004, à l’ONU le rapporteur d’une étude sur le racisme estime qu’il y a pire qu’attaquer les musulmans : attaquer l’islam lui-même « Parmi les fléaux de l’époque contemporaine, l’islamophobie présente un caractère exceptionnel: bien souvent, ce ne sont pas seulement les musulmans, individuellement ou collectivement, qui sont attaqués de la façon la plus virulente, mais la religion elle-même, l’islam, son livre sacré, le Coran et son prophète, Mohamed – ce qui est pratiquement sans équivalent dans le monde actuel ... »[3]

En juin 2004, alors que l’Europe envisage la candidature de la Turquie , celle-ci accueille les représentants de l’ensemble des Etats « islamiques », l’OCI, qui tance l’Union européenne pour avoir critiqué des « peines instituées par la Charia  », dont la lapidation[4].

Ces jours ci nos conseillers d’Etat estiment normal de diffuser une chaine arabe représentant des juifs saignant un enfant pour Pâques.

 

Réaction des associations anti-racistes, antisexistes, anti-homophobes : néant ou presque. Ou pire que l’abstention :  on voit apparaître dans des appels anti-racistes, comme si cela allait de soi, d’un seul et même élan de plume, la condamnation de la propagation de la « haine de telle religions et de ses adeptes », sans la moindre réflexion. Mais que l’on omette dans un projet de loi de punir les injures sexistes autant que les injures homophobes, et sonnez clairons ... 

Dans une telle situation de déni et de confusion, des lois  « anti-haines » peuvent être détournées par les intégristes et produire des effets pervers redoutables pour la cohésion sociale. Concrètement à l’heure du réflexe pavlovien de lutte contre toutes les « phobies », il y a fort à craindre que sous prétexte d’ « islamophobie » la critique de l’islam soit réprimée, comme elle est déjà réprouvée socialement, cependant que s’accroîtra la sacralisation de toutes les « identités » communautaires (Toutes, sauf, au nom de l’antiracisme, le diable sioniste).

C’est pourquoi il est urgent de repenser les lois « anti-haine », dans leur ensemble, sans se limiter à « sa » catégorie, afin d’envisager l’impact global de ces lois.

 

QU’EST-CE QU’UNE LOI ANTI-HAINE ?

 

Les lois que nous qualifions globalement de « anti-haine » concernent différents types de catégories (ethnie, race, sexe, handicapés…) et différentes formes de manifestations de « haine » (violence, discrimination économique, expressions verbales … ) : elles doivent être étudiées sous ces deux aspects.

 

Quelques années après la fin de la deuxième guerre mondiale, a émergé la représentation de la société comme divisée entre « dominants » (mâles blancs occidentaux chrétiens d’âge mur…) et dominé-e-s ( femmes noirs blancs pauvres …). Dès lors les « dominés » s’assimilaient à des personnes « vulnérables » et l’égalité exigeait que des mesures anti-haine identiques soient prévues pour toutes les catégories « dominées ».  C’est ici qu’il faut remettre en question la vison « dominante » actuelle.

Les « dominés » ne sont pas dans une sorte d’équidistance par rapport à un pôle « dominant ». Seuls les groupes formés autour de « familles », (identifié par « ethnie » « origine » « nation » « race » ou même « religion », car la religion est le plus souvent affaire de famille), ont le triste privilège de pouvoir être l’objet de tentatives d’extermination ou de pouvoir s’opposer dans des guerres civiles (ceci est aussi le cas des groupes politiques, mais soit les guerres civiles sont ethnico-religieuses, soit il se produit une sorte de racialisation de l’appartenance politique ou de classe, avec massacre des familles de « koulaks », « capitalistes »…).

Quant aux « religions », il faut distinguer les confessions pures (confinées à l’intime conviction et au privé) des conceptions religieuses qui empiètent sur le politique, dont les groupes d’adeptes sont aussi de fait des partis politiques. Les théocrates (partisans d’un royaume catholique en France ou du califat islamique) doivent être requalifiés « totalitaires » sans bénéficier de l’aura, du tabou entourant la religion.

 

LES REPRESSIONS ACTUELLES

 

Il faut tenir compte de ces considérations pour réfléchir à la sanction des différentes manifestations de haine. Résumons les répressions actuelles, qui sont nombreuses.

 

a) Les actes de violences sont punis plus lourdement s’ils sont commis à raison de la « race ou religion » de la victime ou de son « orientation sexuelle » (Code pénal L132-76, L132-77, L221-4, L222-3, L222-8 , L222-10, L222-12, L222-13, L222-24, L222-30) (le viol ou d’autres agressions sexuelles ne sont pas punis plus gravement si elles sont commises à raison de la « race ou religion »), ou (sauf dans le cas du meurtre, viol) sur « le conjoint ou concubin » (L222-3, L222-8, L222-10, L222-12, L222-13) ou s’ils sont des actes de terrorisme ( L421-3). Par un texte particulier, le législateur a puni d’expulsion l’étranger qui incite à la violence, (ou à la discrimination, ou à la haine) envers « une personne ou un groupe de personne », sans autre précision de critères. (loi n° 2004-735 du 26 juillet 2004 ).

 

b) Les actes de discrimination sont punis pour de très nombreux critères de « distinction » (L225-1), mais uniquement s’ils consistent dans le refus d’emploi ou de procurer un bien ou un service, le licenciement abusif est sanctionné civilement par le droit du travail (L225-2) (résumons ces infractions par l’expression « discrimination économique », ou : boycot). Les atteintes aux biens des personnes sont punies plus lourdement lorsqu’ils sont commis à raison de la « race ou religion » de la victime (L322-2, L322-6).

 

c) La liberté d’expression est limitée dans quatre domaines que nous distingueront.

1) L’incitation (en public comme en privé ) à la violence (Loi du 29-7-1881-art 23&24, Code Pénal R625-7) ou au terrorisme, l’apologie de crimes contre l’humanité, ainsi que la menace de violence (L222-18-1), et la violation de sépulture (L225-18) sont interdites à l’égard de toute personne mais sanctionnées plus sévèrement lorsqu’elle visent des personnes à raison de leur « race ou religion ».

2) La diffusion de pornographie à l’attention des enfants (L227-24) ou de messages « indécents » dans des lieux publics (R624-2) sont punies.

3) L’incitation à la discrimination est punie lorsqu’elle repose sur la « race ou la religion » d’une personne ou d’un groupe de personne (Loi du 29-7-1881-art 24, Code Pénal R625-7)

4) Le dernier domaine est celui que nous dénommeront globalement « incitation à la haine ».  L’injure, la diffamation, qu’elles soient publiques ou privées, sont interdite à l’égard de toute personne (Loi du 29-7-1881-art29s) mais sanctionnée plus sévèrement lorsqu’elle visent des personnes ou des groupes de personnes à raison de leur « race ou religion » (Loi du 29-7-1881-art32&33, R624-3, R624-4). L’incitation à la haine envers une personne à raison de sa « race ou religion » est punie (Loi du 29-7-1881-art 24). La négation de crime de crimes contre l’humanité est punie (Loi du 29-7-1881-art 24bis).

 

La France a pris de nombreux engagement internationaux en matière de non-discrimination (Directives européennes, traités divers), rappelons celui pris en matière d’éducation (Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes 1979) :

« Article 10 Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimination à l'égard des femmes afin de leur assurer des droits égaux à ceux des hommes en ce qui concerne  l'éducation (…) : (…)

c) L'élimination de toute conception stéréotypée des rôles de l'homme et de la femme à tous les niveaux et dans toutes les formes d'enseignement en encourageant l'éducation mixte et d'autres types d'éducation qui aideront à réaliser cet objectif et, en particulier, en révisant les livres et programmes scolaires et en adaptant les méthodes pédagogiques; »

 

 

 

A quel fondement éthique ou nécessité sociale répondent ces dispositions ?

 

 

ACTES DE VIOLENCE 

 

L’échelle des peines punissant les actes de violences ne doit-elle pas avant tout dépendre de la sauvagerie, du mal fait à la victime, quelle qu’elle soit ? Le crime de l’homme qui frappe un « métèque » est il plus barbare que celui qui s’en prend à la « baronne de la tronche en biais », parce que sa figure ne lui revient pas ? Le code pénal est en réalité un vaste code « anti-haine », interdisant la sauvagerie et le sadisme, qui consiste à blesser autrui ou à le priver de moyen de subsistance. Lorsqu’un homme ou une femme donne à son sadisme un prétexte politique, le législateur doit il entrer dans son jeu ? Ou simplement laisser le juge constater l’absence de toute excuse pour n acte prémédité par un ressassement de haine envers  un groupe ?[5]. A une époque où les forces de police peinent à remplir leurs tâches, est il utile de les contraindre à rechercher les motivations racistes ou homophobes des violents ?  Le bonhomme ou femme[6] de base, cambriolé ou insulté pour la nième fois, ne peut il en venir à se dire qu’il n’y en a que pour les juifs ou les arabes, d’autant plus que s’il tente de se défendre ou de défendre une personne agressée sous ses yeux, il court le risque d’être lui-même mis en examen …?

 

Les motifs d’aggravations des peines pour actes de violence prévus par le Code Pénal, peuvent être regroupées dans les catégories suivantes (dénommées par nous). D’une part, dans le livre relatif aux « atteintes aux personnes », à coté de la définition de chaque infraction, figurent les motifs d’aggravation suivants[7] :  « tortures et actes de barbarie » (L221-3, L221-4 ; L222-26), préparation d’un autre délit ( autrement dit la motivation crapuleuse d’une violence), vulnérabilité de la victime (enfants (L221-3, L221-4, L222-3, L222-4, L222-8, L222-10 ; L222-12, L222-13, L222-24 ; L222-28, vieillards, handicapés, femmes enceintes..(L221-4, L222-3 , L222-4, L222-8, L222-10, L222-12, L222-13, L222-24 ; L222-28)), (on peut rattacher au motif de vulnérabilité le fait d’agir en « bande organisé », car en agissant en bande on rend tout adversaire « relativement » plus vulnérable que soi)(L221-4, L222-4, L222-12, L222-24), parentalité ou autorité sur la victime (grand/parents( L221-4, L222-3, L222-8 ; L222-10,   L222-12, L222-24), enfants sur lesquels on a autorité (L222-24), - la catégorie « conjoint » en fait partie), victime chargée d’une fonction sécuritaire (policiers, juges, témoins (L221-4, L222-3, L222-8, L222-10, L222-12, L222-13)). D’autre part, dans le livre relatif aux atteintes à l’Etat, le motif « terroriste », défini comme volonté de « troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur »,  est aggravant pour un certain nombre d’actes de violence.

 

La lecture de cette liste appelle deux séries d’observations et critiques.

En ce qui concerne les femmes d’abord, on remarque d’abord qu’il n’y aucune aggravation de peine à raison du sexe mais uniquement à raison de la conjugalité (il nous paraît utile d’étendre l’aggravation aux « ex » conjoints ou concubins). Il est étonnant de voir que la peine pour meurtre n’est pas aggravée pour conjugalité : reste de la notion de crime passionnel ? Il est encore plus  étonnant de voir que le viol n’est pas aggravé par le fait que la victime soit une femme. Le fait d’être enceinte à la suite de viol, ou de faire l’amour comme on a été violée est bien une torture de plus ? Certes l’on pourrait, dans un esprit ultra-universaliste demander que le viol soit plus sévèrement puni lorsque la victime est « toute personne susceptible d’être enceinte », mais il s’avère qu’assez peu d’hommes soient dans ce cas.. On pourrait même se demander, avec infiniment de prudence, s’il ne serait pas bon d’inscrire dans la loi, une vieille règle morale, si mal appliquée qu’elle fut :  « un homme ne frappe pas une femme. ».

 

En ce qui concerne la conception générale des catégories, il paraît clair à la lecture de la liste des motifs d’aggravation que les personnes appartenant à des groupes « dominés » ont été assimilées à des personnes « vulnérables ». Ce que certes elles sont d’un point de vue social, mais pas à titre individuel. Or la justification de la punition plus sévère du mal fait aux enfants, personnes agées faibles, femmes enceinte, nous paraît être une sorte de présomption de plus grave blessure engendrée par une violence portée contre un être physiquement ou psychiquement faible. L’agresseur est supposée savoir qu’il ferait automatiquement plus de mal à cette personne là. Un poids lourd « gay » ou juif ne sera pas nécessairement traumatisé par un coup de poing, même asséné dans une rage insondable par son agresseur, par contre un vieux couple bousculé volontairement en pleine rue par un jeune ...

La seule justification d’une punition accrue d’acte de violence en raison de la catégorie sociale, nous paraît être le fait que cet acte serait en réalité un début de guerre civile. Harceler physiquement les membres d’un groupe, ou les boycotter, ou s’en prendre  à leurs biens, ou  poursuivre leurs enfants d’injures dans les cours d’école : ainsi commencent les épurations ethniques. Ainsi les pays arabes sont ils devenus « judenrein », ainsi la Corse peut elle se vider de ses « arabes ». (L’aggravation des peines envers les agresseurs de policiers, juges, témoins correspond à une situation différente : l’agresseur n’est pas supposé s’attaquer à eux pour renverser l’Etat, mais uniquement pour échapper personnellement à la justice.)

 

Aussi pensons nous que les actes de violence envers des personnes en raison de leur « race ou religion » (ou de leurs opinions politiques), devraient figurer, non plus dans le chapitre décrivant les atteintes aux personnes, mais dans le chapitre du Code Pénal consacré au terrorisme, en tant qu’acte de (début de) guerre civile, parmi les délits dont les peines sont aggravés lorsqu’ils sont commis dans l’intention (selon notre terminologie) de renverser notre système politique et de terroriser les populations. (Aux actes violents actuellement punis plus gravement en raison de la « race ou religion», il nous paraît falloir ajouter les actes intentionnels de mise en danger d’autrui :  non assistance à personne en danger ou de délaissement de personne faible . .. (L223-3 ; L223-4 ; L223-5à 7-1, L223-8à9 , L223-10 ) ou d’atteinte aux libertés : séquestrations .. (L224-1à 8-1).

L’incitation publique à la violence envers les personnes appartenant à ces groupes, ou supposés tels, ou à l’atteinte à leurs biens, devrait être aggravée en tant qu’incitation au terrorisme, à la guerre civile.

Quant aux injures, lorsqu’elles sont proférées en poursuivant une personne, dans une attitude menaçante, on sait qu’elles sont la première phase des pogroms, ratonnades et autres agressions (collectives ou individuelles) envers toutes sortes de personnes : elles sont alors des menaces, non précise, mais explicites.

 

INCITATION A LA VIOLENCE

 

L’incitation à la violence est actuellement réprimée si elle est « directe », réprimée de manière accrue si elle vise des personnes en raison de leur « race ou religion » et fait encourir l’expulsion lorsqu’elle est propagée par un étrange qui vise « une personne ou un groupe de personne » quelconque. Ainsi, crier « mort aux juifs » est certainement réprimable, mais crier « les pédés au bûcher » ou « bats ta femme tous les jours » pourrait être qualifié, pour un Français, d’incitation non directe.

Il semble que toutes les incitations à des violences précises envers un groupe de personne clairement désigné (« mort aux c--s » ne serait pas suffisamment précis ..) devraient être considérées comme directe, quelle que soit la nationalité de l’auteur.

De plus, le fait de « dire une norme » étant en soi une incitation à appliquer la norme par ses actes, un discours qui décrit un acte violent comme une norme, émanant d’une autorité supposée reconnue comme élevée par des individus, représente une incitation directe aux actes violents. La norme qui se dit à tort ou a raison « religieuse » a une autorité particulièrement forte sur ceux qui se reconnaissent soumis à cette norme. C’est pourquoi

 nous estimons que la présentation d’actes de violence, notamment conjugale, comme une norme ou une obligation religieuse, devrait être réprimée. (Jusqu’à il y a peu, une telle hypothèse relevait en Europe de la science fiction, mais il nous faut aujourd’hui nous adapter : cessons de penser qu’un beau matin lorsque nous nous réveillerons, ces idées cauchemardesque se seront évanouies toutes seules.)

 

PORNOGRAPHIE

 

Ce n’est pas par puritanisme, ce n’est pas en soi, que les féministes critiquent la pornographie, c’est en tant que norme (cette fois sociale) de comportement qui incite à la violence : « le porno est la théorie, le viol est la pratique ». La pornographie incite les hommes à concevoir comme un « droit », comme « naturel » le fait de disposer de femmes acceptant de faire ce qu’elle représente, et comme peu ou pas criminel le fait de tenter de l’obtenir non seulement par la séduction, mais par la prostitution, le harcèlement, le viol . Or c’est la diffusion à grande échelle, non sollicitée, de la pornographie qui lui donne plus particulièrement ce caractère normatif. La diffusion de « messages contraires à la décence » « sur la voie publique ou dans des lieux publics » ou « sans demande préalable du destinataire d’envoyer ou de distribuer à domicile de tels messages » est actuellement punie (d’une simple amende, mais c’est bien au portefeuille qu’il faut atteindre « l’industrie du sexe »). On pourrait songer à aménager la rédaction de cet article, en mentionnant la représentation, sans nécessité d’informer le public, de personnes dans des situations avilissantes ou subissant des violences. Mais avant tout, nous suggérons au ministère du budget de faire appliquer les amendes prévues aux étalages des kiosques, affiches, télés, autant de fois qu’il y aura d’infractions constatées …

 

INCITATION A LA DISCRIMINATION

 

L’incitation à la discrimination nous paraît avoir un caractère semblable à l’incitation à la haine : elle est vague ...il serait souhaitable de la limiter aux cas de discrimination actuellement réprimés, c’est à dire, la discrimination économique, mais ceci, quelque soit le motif de discrimination, puisque quel qu’il soit, priver une personne de ses moyens de subsistance est un commencement de violence. Faudrait il considérer à part l’incitation à la discrimination économique en raison de la « race ou religion », de même que nous le proposons pour les atteintes aux biens pour ce motif ? Nous n’en sommes pas certaines, car dans le cas de la discriminations, c’est bien une atteinte au « vivre ensemble socialement » qui est dans tous les cas sanctionné.

 

INJURES, DIFFAMATION, INCITATION A LA HAINE , NEGATIONISME

 

Avec ce qui est injures, diffamations, incitations à la haine, négationisme, se pose le problème des bornes de  la liberté d’opinion et d’expression.

Le lien entre les paroles et la violence paraît dans certaines circonstances très direct, et pourtant c’est ici que le mieux paraît devenir l’ennemi du bien.

 

Les injures sont punies par le Code Pénal à l’égard de toute personne, que ce soit en public ou en privé. Il n’y pas de raison de les aggraver selon les catégories. En effet de deux choses l’une : soit elles sont en réalité des menaces de violence, comme nous l’avons mentionné plus haut, à traiter en tant que telles, soit elles sont des bêtises, qui ne nuisent qu’à ceux qui les profèrent, et auquel même enfant sait répondre « celui qui le dit il l’est… ».

 

A propos de la diffamation et de l’incitation à la haine, trois problèmes se posent aujourd’hui : l’un connu : la question du champs du dialogue démocratique ; les deux autres qui semblent passer inaperçus : la légitimation jurisprudentielle de propos haineux, le blasphème.

 

Dialoguer ou censurer ?

 

Odile Dhavernas, avocate et féministe, expliquait en 1984 que parmi les propos sexistes, les plus dangereux pour les femmes ne sont pas les plus grossiers, mais de simples opinions : une femme serait mieux au foyer, mère de famille …Si un homme a l’intime conviction que l’homosexualité est un péché, le mariage homo un non-sens, ou que les races humaines existent et sont inégales, mais s’interdit tout acte de violence ou de discrimination basé sur ces considérations, faut il lui interdire de prononcer ses opinions dans un débat démocratique ? S’il faut être particulièrement exigeant sur le contenu des livres pour enfants, afin d’éviter de fermer leur horizon, faut il interdire toute représentation du réel dès qu’il paraît regrettable ? Il semble préférable de répondre par la critique à ces idées et représentations dans la pub (sauf images porno ou sadiques) ou autre  (à l’heure du web, aucune marque n’aime la contrepub de critiques pertinentes).

 

Définir les propos haineux ?

 

Après la deuxième guerre, on a souhaité interdire les expressions de haine encourageant les pogroms, même s’ils n’y appellent pas explicitement.

Or la loi anti-haine semble se retourner contre ceux qu’elle est censée protéger. Le fait de confier au juge le soin de définir les propos racistes ou antisémites aboutit, paradoxalement, à la légitimation jurisprudentielle d’une part de ces propos. Et pire, au fait que les victimes passeront désormais pour malveillants s’ils s’obstinent à les dénoncer comme racistes. 

Ce résultat est indissolublement lié au principe de la loi elle-même. En effet, la loi confie au juge le soin de déterminer quels sont les propos manifestant une haine pour un groupe ou pouvant y mener, susceptibles indirectement d’inciter à la violence. Or le juge pénal doit tenir compte de la définition stricte des délits, et de l’élément intentionnel, il ne saurait donc condamner tous les propos prouvant mener indirectement à la haine.

Ceci entraîne, comme première conséquence que les propos qu’il ne condamne pas, se voient  en quelque sorte conférée avec l’autorité de la chose jugée, le label « non raciste » même s’ils sont manifestement « objectivement » racistes, et comme deuxième conséquence, classique en cas d’accusations non reconnues, que la victime devient accusée, de calomnie et autres malveillance.

 

Le procès fait à Edgar Morin est typique. Voici un homme pacifique, qui manifestement n’a pas la moindre intention de déclencher la moindre agression antisémite et mais qui tient des propos terrifiants[8] « On a peine à imaginer qu'une nation de fugitifs, issue du peuple le plus longtemps persécuté dans l'histoire de l'humanité, ayant subi les pires humiliations et le pire mépris, soit capable de se transformer en deux générations en "peuple dominateur et sûr de lui" et, à l'exception d'une admirable minorité, en peuple méprisant ayant satisfaction à humilier. » « Les juifs victimes de l'inhumanité montrent une terrible inhumanité. ». Ce sont bien là, sinon rien n’en est, des propos antisémites. Mais le procès fait à Edgar Morin est absurde : il ne veut certainement pas sciemment, inciter à aucune haine : le tribunal (correctionnel de Nanterre 12/5/2004) juge le relaxe à juste titre. Résultat objectif : les propos d’Edgar Morin portent désormais le label « non-antisémite », avec autorité de la chose jugée.

De même on a pu reprocher aux anti-Pacs d’être responsables indirectement de l’homophobie, de ne pas suffisamment s’interroger sur la situation qu’ils créent pour les homos, sur les conséquences de leurs propos, mais un juge ne condamnera pour celui qui appelle à la « compassion » envers les victimes de ce « douloureux probleme ».

 

Le problème de cette loi est la notion d’intentionalité, qui est limitée en droit, car les juges ne sondent pas comme les inquisiteurs, le fond de l’âme des accusés, ils s’en tiennent à ce qui peut être prouvé, à ce qui est censé être connu. En morale, il est possible de reprocher à Edgar Morin de n’avoir pas, suffisamment, profondément, sans s’arrêter à ce qu’il croyait savoir, réfléchi aux conséquences indirectes de ses paroles, de s’être abrité derrière l’alibi de la critique d’Israel, de s’être donné trop aisément bonne conscience. Mais ce degré d’inquisition est hors de question en droit. S’il n’y avait pas eu procès, ces critiques auraient pu lui être adressés par les lectrices, mais aujourd’hui, elles risquent d’apparaître abusives…

 

C’est pourquoi la solution est peut être de se borner à interdire en fonction d’éléments plus objectifs : le constat de début de troubles sociaux, de circonstances exceptionnelles justifiant temporairement la censure. Ainsi le jugement ne signifierait nullement que tel propos est ou n’est pas intrinsèquement raciste, et le juge n’aurait pas à s’interroger sur l’état d’esprit des auteurs. Il aurait seulement le pouvoir d’ordonner le silence, le temps de calmer les esprits. 

On peut craindre que la décision ne soit prise trop tard. Mais tant que presque personne ne prend au sérieux les propos des groupuscules nazis ou des révisionistes, en quoi importent ils réellement ? Faut il constamment se référer aux circonstances passées ? Actuellement la loi Gayssot est une forme de respect du aux morts et à leur famille, mais elle n’empêche nullement les rumeurs révisionistes, et peut etre même les renforce-t-elle un peu.

Il semble bien que deux hypothèses peuvent se produire : soit la société est vigilante, et la justice réagira en temps utile, soit elle s’aveugle, ce qui semble largement être le cas aujourd’hui, et alors, les lois actuelles produisent de toute façon l’effet pervers que nous venons de décrire, réduisant encore l’audibilité de l’alarme lancée par les agressés.

 

Vers un retour du délit de blasphème ?

 

Bien que le droit français parle uniquement à propos des groupes religieux, d’infractions concernant les personnes « à raison de leur appartenance réelle ou supposée à une religion », bien que les juges ont indiqué clairement dans l’arrêt Houllebecq la différence entre critique, y compris injurieuse, d’une religion, et incitation à la haine envers ses adeptes, on voit se multiplier jusque dans les manuels de droit des expressions menant à la confusion entre adeptes d’une religion et la religion elles-même : « diffamation religieuse » « islamophobie », « christianophobie ». En vérité, la France est bien seule sur ce front, avec la Belgique. Partout ailleurs en Europe, y compris en Alsace-Lorraine, existe un délit de blasphème : il faut être poli avec les religions, ne pas heurter les convictions d’autrui. « Faut pas charia ! » « Marie, si t’avais connu l’avortement, on aurait pas tous ces emm… » : chut…

On comprend pourquoi les islamistes turcs trouvent naturel d’intégrer l’Europe : au nom du « respect des convictions religieuses » et de la lutte contre l’islamophobie, instaurer l’interdiction de la critique leur paraît être un jeu d’enfant. L’on s’appuiera de plus sur « le droit international » de l’ONU, qui dans l’ignorance et l’indifférence générales, a déjà effacé le « droit de changer de religion » des nouvelles déclarations sur les droits fondamentaux. Quelques manifestations spontanées dans les villes et les centres commerciaux, pour gommer les arguments d’intellectuels « sionistes » et de juges « réactionnaires » maniant des concepts de toute façon incompréhensibles pour le commun des mortels, et nos politiques seront intimement con-vain-cus. Science fiction ? A lire Nicolas Sarkozy qui assimile origine et religion, critique d’une religion et « quasi-racisme », il semble que non.

 

Novembre 2004.

 

 

 



[1] « Pourquoi l’islam ? » Editions Arrissala 2002

[2]  « La place de la femme en islam » Editions Arrissala 2002

[3]  Doudou Diène Nations unies « le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et toutes les formes de discrimination Situation des populations musulmanes et arabes dans diverses régions du monde »  E/CN.4/2004/19   23 février 2004

[4] communique final de la 31ème session de la conference islamique des ministres des affaires etrangeres  istanbul - republique de turquie

26 - 28 rabiul al thani 1425 h (14 -16 juin 2004) resolution n°62 «  La Conférence (...)a appelé à mettre fin aux campagnes injustifiées lancées par certaines organisations non gouvernementales contre un certain nombre d’Etats membres et qui consistent pour l’essentiel à demander à ces Etats d’abroger les peines et sanctions prévues par la Charia , sous prétexte de défense des droits de l’homme. (..) Elle a, en outre, dénoncé la décision de l’Union Européenne concernant la condamnation de la peine de la lapidation et des autres peines qualifiées d’inhumaines et qui sont appliquées dans certains Etats membres en vertu des dispositions de la Charia.

 

 

[5] ( Selon un reportage de Libération du 30 novembre 2004, nombre de crimes contre les homosexuels sont des crimes crapuleux, pour lesquels les agresseurs font état de prétextes homophobes, mais il a été constaté que la violence déchainée à l’occasion de cette forme de crimes crapuleux va au-delà de ce qui serait « nécessaire »)

[6] Un terme équivalent familier et non dévalorisant à proposer ?

[7] Ces motifs varient selon les violences, nous ne présentons pas ici le détail des dispositions.

[8] Le Monde 09/06/2002