http://www.nonsocialiste.net/deliaGo/actus/article_id-45/topic_id-9.html

 

La souveraineté populaire n’est pas négociable
 

 

Une constitution est un texte législatif hors du commun. Toutes les lois, quelles qu'en soit la nature, qui seront votées ensuite devront être conformes à ses dispositions. Déjà les Constitutions nationales devront être modifiées elles-même pour être rendues compatibles avec, préalablement aux éventuels référendums dans chaque pays. C'est pourquoi d'ordinaire on considère que seul le peuple souverain est légitime à la fois pour la proposer et pour l'adopter.

C'est pourquoi aussi les textes constitutionnels se concentrent sur l'essentiel. En fait il ne vont guère plus loin que d'énoncer les principes politiques sur lesquels reposent le fonctionnement de la communauté légale puis les dispositions pour organiser la prise de décision par les citoyens et leur mise en oeuvre. Telle est en tous cas la conception républicaine de la démocratie.

Mais le projet de Constitution européenne est à l'opposé de tout ceci. Proposé par un comité Théodule, nommé et non élu, qui a mis sur un même pieds des parlementaires et toutes sortes de prétendues personnalité qualifiées, le texte s'étale sur trois cent dix pages, dont une vingtaine non traduites de l'anglais. Il concerne aussi bien l'organisation des pouvoirs que la fixation des règles de la politique économique. Un peu comme si pour modifier la Constitution de la Cinquième République (où ce qu'il en reste) on délibérait sur un texte proposé par le Conseil économique et social qui aurait intégré à sa copie le code de l'artisanat, celui de la concurrence et le code des marché publics pour faire bonne mesure.

Dans ces conditions, la démarche nie au point de départ comme à l'arrivée la souveraineté populaire dont tout devrait pourtant dépendre dans nos démocraties avancées. D'abord parce que ce n'est pas le peuple où ses représentants qui proposent. Ensuite parce que son seul pouvoir est d'accepter en bloc des dispositions sans pouvoir ni les discuter ni les amender comme pourrait le faire des représentants élus pour cela dans une assemblée constituante. Enfin parce que le texte limite la représentation des citoyens à celle de la Nation à laquelle ils appartiennent : en effet tout le pouvoir du dernier mot est renvoyés à des instances purement intergouvernementales !

Ou est alors l'intervention directe et individuelle des citoyens qui composent la nouvelle communauté légale européenne comme c'est le cas dans nos système nationaux où de plus la citoyenneté est radicalement séparée des communautés d'appartenance personnelle ? Pour finir et ce n'est pas le moins, le projet de Constitution opère un double verrouillage dont chaque tour de clef tient le suivant : pas possible de modifier le texte à l'avenir, pas possible de changer la politique économique qu'il contient. Ces raisons forment ensemble la trame d'un non de conviction républicaine. Le non de gauche s'y adosse. Car comment imaginer une transition socialiste, même voulue par une majorité d'électeurs dans un cadre qui non seulement en nie le moyen d'expression démocratique mais aussi le contenu économique !

Notez bien que ceci ne concerne pas seulement le niveau européen de décision. Cela implique le niveau national où la souveraineté du peuple ne peut s'exercer qu'à la condition d'être conforme à ce que la Constitution permet. Exemple : avec cette Constitution, le programme commun de la gauche était tout simplement illégal. On comprend le ravissement de certains... Nous ne demandons pas, nous, au contraire des libéraux, que notre politique économique soit inscrite peu ou prou dans la Constitution. Mais nous avons le droit d'exiger que si le peuple le décide la Constitution ne le lui interdise pas. Le non républicain de gauche est un plaidoyer pour le droit imprescriptible de la souveraineté populaire. Y-a-t- il une démocratie possible sans cela ?