Cercle d'Etude de Réformes Féministes

 

Face aux obscurantismes (l'islamiste et les autres) : le Devoir de Liberté

 

 

 

LE STATUT PERSONNEL COUTUMIER DANS LES TERRITOIRES D’OUTRE-MER

 

 

 

Sous la colonisation, les règles des populations en matière « personnelle » ont été le plus souvent maintenues envers les « indigènes » non français.

Le régime du statut personnel est celui dans lequel, le droit applicables aux personnes est fonction non pas de leur citoyenneté, mais de leur groupe d'appartenance ethnique, religieux etc, le domaine des droits régis selon ce critère est bien entendu réduit à des questions non générales au pays, mais plus ou moins internes à la "communauté" d'appartenance, essentiellement le droit familial.

Pour simplifier - les variantes pouvant être nombreuses - on peut dire que ce statut n'émane pas de collectivités territoriales, il est coutumier dans la mesure où il ne procède donc pas d'une législation, mais il peut reposer sur des sources orales ou écrites.

 

La constitution de 1946 accorde la citoyenneté à tous les « ressortissants de l’Union française ».

Mais son article 82 leur permet de garder leur statut personnel tant qu’ils ne demandent pas à être soumis au droit commun français. La constitution de 1958 reprend ces dispositions dans son article  75 : 

« Les citoyens de la République qui n'ont pas le statut civil de droit commun, seul visé à l'article 34, conservent  leur statut personnel tant qu'ils n'y ont pas renoncé. »

L’objectif était l’organisation une transition du droit coutumier vers le droit commun.

En pratique, l’absence de connaissance du droit particulier par les juridictions de droit commun fait (faisait) que le droit commun s’appliquait même à des « autochtones » n’ayant pas renoncé à leur statut.

La loi organique de 1999 concernant la Nouvelle Calédonie opère un bouleversement total de cette logique. Elle affirme l’égalité des statuts, de droit commun et personnel, entre eux. Elle permet aux kanakes soumis au droit commun de demander à revenir au droit coutumier kanake.

Depuis cette loi également, le Parlement français n’a plus le monopole du vote des lois :  le congrès de Nouvelle Calédonie peut légiférer dans certains domaines, donc le droit coutumier.

 

Cette évolution s’inscrirait dans le progrès de la reconnaissance des peuples autochtones au niveau international :

- Convention concernant la protection des peuples indigènes et tribaux dans les Etats indépendants 1989, Bureau international du travail, ratifiée par huit Etats

- Convention cadre pour la protection des minorités nationales 10/11/1994  (non signée par la france) ...

A .Boyer [1]expose ainsi la justification de l’article 75 selon lui :

"Le principe de la distinction des statuts personnels repose sur le constat d'une impossibilité. Certaines populations, connaissant des traditions juridiques trop différentes de celles connues sur les autres parties du territoire de l'État, ne peuvent se voir imposer le statut civil de droit commun.

L'article 75 serait donc constitutif du droit des minorités".

Une juriste émet même l’idée d’une contradiction interne dans les termes de la Constitution : "l’expression  "sans distinction de race, d’origine, et de religion" contredirait le principe de l’unité du peuple français dans la mesure où elle porte en elle -même l’existence de la diversité et de l’hétérogénéité des composantes de la population française.".

Dans cette logique, on se demande comment il peut bien se faire les minorités portugaises, cambodgiennes, russes, bouddhistes etc etc  sont capables d'endurer le statut de droit commun, que ce soit en métropole ou ailleurs ?

 

L’observation concrète de ce droit coutumier conduit le professeur Jean Yves Faberon[2] à se demander :

«  Peut-on admettre, faut il défendre la situation qui aujourd’hui permet :

- que certains de nos concitoyens kanaks en Nouvelle-Calédonie, s’exposent en cas d’infraction à des sanctions coutumières, des bastonnades... avant d’être appréhendés par la Gendarmerie qui les acheminera vers d’autres sanctions traumatisantes ?

- que nombre de citoyens français de Mayotte vivent tranquillement leur polygamie ? »

 

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[1] Boyer (A.), "Le statut constitutionnel des Territoires d'Outre Mer et l Etai unitaire", thèse droit public, Aix, 1992, p. 382.

[2]  Droit et cultures Revue semestrielle d’anthropologie 1999/1 - Numéro consacré aux autochtones de l’outremer français - L’harmattan