Cercle d'Etude de Réformes Féministes

 

Face aux obscurantismes (l'islamiste et les autres) : le Devoir de Liberté

 

 

 

 

II - STEPHANE MARCHAND : ARABIE SAOUDITE, LA MENACE[1]

 

 

Le livre de Stéphane Marchand est plus axé sur l’actualité et trace le portrait de l’Arabie à travers plusieurs reportages.

 

Les rapports entre USA et Arabie sont résumés par Stéphane Marchand dans les mêmes termes qu’Antoine Barbous (p28) : « L’économie américaine a besoin du brut saoudien pour fonctionner, et la famille régnante saoudienne a besoin de la protection américaine » il ajoute que les avoirs saoudiens investis en actions ou en propriétés immobilières aux Etats-Unis se montent à au moins 700 milliards de dollars[2].

 

Pour Stéphane Marchand (46), l’Arabie profonde est abreuvée en permanence de prêches incendiaires, tel celui du cheikh Bandar ben Khalaf Al Otaïbi mi 2002 parlant des juifs « il y a-t-il une seule humiliation qui ne nous ait pas été infligée par les frères des singes et des porcs ? ». Mais il existe une autre Arabie, une élite éclairée d’hommes d’affaires, technocrates, juristes, consultants, conscients du péril islamiste.

 

« Vous les Occidentaux, vous pouvez bénir le ciel que ce pays ne soit pas une démocratie !.. » disent les saoudiens « modernes » (p132). En effet :  «  les saoudiens ordinaires ? Dans leur immense majorité, ce sont des fondamentalistes légitimistes. .. Les princes Saoud ont beau diriger un des régimes les plus conservateurs du monde, leurs sujets sont encore plus conservateurs que le régime ! Ce n’est pas l’effet du hasard. Depuis cinquante ans, avec l’active bénédiction des Etats-Unis, le royaume a toujours choisi de s’opposer aux régimes nationalistes et socialistes arabes en offrant l’asile politique à tous leurs opposants, islamistes pour la plupart….Aujourd’hui les Saoud s’en mordent publiquement les doigts. Le prince Nayef, ministre de l’intérieur, reconnaît à la télévision que les Frères musulmans sont responsables de tous les maux du monde arabe, mais il est trop tard : leur enseignement est entré dans les gènes des Saoudiens ».

Stéphane Marchand donne une explication intéressante à cette adhésion à l’islamisme (p129) :  « Aujourd’hui en Arabie Saoudite, le fondamentalisme est tout à la fois un instrument du pouvoir pour tenir le peuple, et le principal moyen pour ce même peuple de s’opposer au roi. A tout instant, le plus obscure des imams, s’il défend de manière convaincante l’essence du Coran, peut se dresser et lancer un défi au souverain. Il risque sa liberté, parfois sa vie, mais sa voix sera entendue et même soigneusement écoutée. »

Il décrit aussi (p149) la « bédoucratie » : la réunion de palabre (majlis) qui oblige le chef à écouter les doléances individuelles, à laquelle s’ajoutent  les mécanismes tirés du Coran : la consultation (choura) et le consensus (ijmaa), pour éviter la division (fitna) : cette recherche de consensus, la majorité ne paraissant pas donner une légitimité suffisante, aboutit à la paralysie. Dans le même temps, la censure fonctionne même contre les ministres ! (p162-163)

 

(p217) En Arabie la pratique d’un autre culte, quel qu’il soit est un grave délit, en dépit des assurances officielles garantissant qu’il peut être pratiqué en privé ,le christianisme n’est pas toléré et les arrestations de chrétiens sont monnaie courante. A Ryad, plusieurs ambassades scandinaves se sont vu suggérer de ne plus hisser leur drapeau orné d’une croix…

 

Il explique (p75)  que la plupart des mouvements islamistes radicaux qui flirtent avec le terrorisme se réfèrent à un mouvement plus récent que le wahhabisme, le salafisme, qui préconise un retour à l’islam des origines, et que « l’influence de penseurs beaucoup plus récents, comme les égyptiens  Sayed Qutb ou Hassan Al Banna, fondateur des Frères musulmans, se fait plus sentir dans le discours des radicaux actuels que celle des penseurs wahhabites, que l’on tient pour des rustres dans les grands centres islamiques de la région. »

Il indique que cela n’ote rien au fait que l’Arabie jouit d’une influence considérable dans le monde arabo-musulman. (p74) «  Les services officiels saoudiens publient régulièrement la longue liste des investissements islamiques à travers le monde. Un des plus récents communiqués rappelle que le roi Fahd a financé tout ou partie des 210 centres islamiques érigés dans les pays non musulmans, 1359 mosquées… »

 

Il explique encore la complexité de la question du financement du terrorisme (p84): « le terrorisme islamique peut avoir accès aux réseaux d’entraide musulmans grâce à la « zakat », l’impôt islamique, dont le traçage est pratiquement impossible. Les Saoudiens faisant partie des musulmans les plus riches présentent fatalement un risque plus grand. Néanmoins, cela ne prouve pas que l’échelon politique saoudien soutient le terrorisme. Objectivement, l’Arabie saoudite a été souvent elle-même victime du terrorisme et l’imaginer en complice active des assassins du 11 septembre relève d’un amalgame absurde »

Le système est qualifié par ailleurs (p111) de « blanchiment à l’envers »   : l’argent injecté dans les ONG est parfaitement sain, mais il peut se retrouver, au bout d’un long circuit où aucune traçabilité n’est possible faute de pièces comptables, entre les mains de terroristes.

 

Stéphane Marchand raconte (p90) comment en Bosnie et au Kosovo « le rouleau compresseur des pétrodollars wahhabites » a servi à faire raser ou défigurer des mosquées, trop décorées au gout islamiquement pur des saoudien « partout où les wahhabites passent, ils recouvrent les intérieurs balkaniques pour en faire des sortes de boites de couleur blanc hopital. » « les wahhabites se considèrent comme les purificateurs de l’islam. Ils ont tous les droits et la colossale fortune amassé par les Saoud a décuplé cette arrogance. Ce qu’on ne leur donne pas, ils l’achètent. »  « En Bosnie, les Saoudiens affirment avoir réhabilité 160 mosquées ? Les élus locaux préfèreraient de beaucoup une école ou un hôpital, mais comment refuser un investissement de 10 Mn d’euros qui fournit des emplois à plus de 100 villageois ? »

 

L’argent est donné aux familles dans le besoin, «  le geste n’est pas gratuit : il s’inscrit dans le cadre d’une vaste campagne de recrutement » (p91)

« Environ 10 000 veuves de guerre ont été contactées par des organisations caritatives saoudiennes munies de listes parfaitement à jour, offrant à ces femmes une pension à vie à condition qu’elles recouvrent leurs cheveux d’un voile quand elles sortent de chez eux, et que leurs enfants suivent un enseignement religieux auprès d’un professeur agrée par les wahhabites. 10 000 orphelins bosniaques sont aujourd’hui les pupilles du royaume. »

 

Deux images frappent dans le livre de Stéphane Marchand.

(p125) : le grand mufti actuel, Cheikh Abdallah Ben Abdlelaziz Al Cheikh, qui a appris le Coran par cœur, mais qui est … aveugle depuis qu’il a eu la variole dans sa jeunesse. « il n’appréhende du monde réel que ce que peut concevoir son imagination entièrement formatée par le Livre Saint ».

(p279) « la parabole des égouts » : des dizaines de milliards de dollars rentrent chaque année grâce aux exportations de pétrole, mais Jeddah, ville de 2 millions d’habitants, ne possède pas de réseau de tout à l’égout adapté : une odeur écoeurante s’échappe du sol, chaque jour des camions vont déverser les excréments dans une fosse creusée à l’intérieur des terres, mais le liquide s’infiltre et contamine le réseau d’eau : le taux d’hépatite est le plus élevé de toutes les grandes villes du pays. « L’Arabie n’a pas d’usines, de centrales électriques, d’unités de dessalement d’eau, d’ingénieurs et d’informaticiens » (p285) sur 114 000 Saoudiens sortis de l’université entre 95 et 99, la moitié n’ont étudié que la culture islamique, il n’y a que 10 000 ingénieurs.

(p298s) "De toute façon, à quelques exceptions près, les Saoudiens sont parfaitement incapables de fonctionner au sein d’une entreprise privée axée sur le profit, les critiques à leur égard sont toujours les mêmes : paresseux, arrogants, absents au moindre prétexte... Dans la société bédouine, l’homme fait la paix ou la guerre mais ne travaille pas. Ce sont les femmes qui travaillent… Il faudra que passent une ou deux génération pour que les Saoudiens de tradition bédouine acceptent l’idée que le travail est une activité digne d’eux. "

 

(p211) "Comment est structuré le cerveau d’un étudiant saoudien ? La pensée religieuse fait la part belle à la mémorisation… on forme l’étudiant à la pensée circulaire .. « il faut parce qu’il faut ».. (p208) Les écoliers doivent apprendre par cœur un livre intitulé « Monothéisme » citant à propos du jugement dernier un commentaire du Coran «  La dernière heure ne viendra pas tant que les musulmans ne se seront pas battus contre les juifs et ne les auront pas tués ». (p211) Le ministre de l’éducation, Mohamed Ben Ahmed Al Rachid, se lamente sur les perroquets que fabrique l’école…"

 

(p215) "La « Présidency for the propagation of virtue and the prevention of vice », dont les membres sont appelés “mouttawa”, fait régner l’ordre islamique : cris, coups, arrestation pour les femmes laissant échapper un poignet, une mèche de cheveux.. Ce sont eux qui en mars 2002 (p223), vont enfermer les jeunes filles de l’école n°31, en les frappant pour les contraindre à rentrer dans l’école en feu. Face à la réaction de l’opinion, le prince Abdallah décide tout de même de retirer la responsabilité des écoles de filles aux mouttawas."

(p231s) "Les femmes seules ne sont nulle part. Une femme saoudienne est mineure à vie. Elle n’a pas le droit de conduire. Pourtant il existe des femmes chefs d’entreprise, et les femmes possèdent 40% des capitaux privés du pays, le plus souvent par héritage. "

(p241) "Les jeunes filles apprennent qu’elles courent tout droit à la prostitution en se trouvant seule avec un homme, et les garçons que Satan les guettent s’ils regardent une femme.. Selon le prêche d’un Cheikh (mars 2002) « les ennemis de l’islam savent que la femme peut se transformer en épée à double tranchant, devenant une arme de destruction. … Le premier crime commis par les Israélites fut de laisser sortir leurs femmes quand elles étaient parées, afin de semer la zizanie. Pour cela, Allah leur envoya la peste »"

(p243) L’absurdité est que la ségrégation a un coût humain, économique et financier considérable pour l’Arabie :

(p285) "seules 4% des femmes travaillent à l’extérieur  (p234) La femme ne peut rien faire seule ce qui limite également la liberté de manœuvre du mari, qui ne peut s’éloigner lontemps, (p285) le royaume dépense 1% de ses revenus pour rémunérer des chauffeurs…."

 

Laissons la conclusion édifiante à un fondamentaliste enflammé (p133s), docteur en mécanique quantique d’une université allemande, ayant enseigné plusieurs années à Berkeley et Denver, Mohamed Al Massari, qui a étudié Kant, Hegel etc, affirme que de toutes les religions monthéistes, l’islam est la plus aboutie, (p144) « sur son territoire l’islam a vocation à exercer une suprématie sur les autres religions », « les musulmans sont en guerre contre les USA car ce sont les américains qui ont commencé en créant israel en terre d’islam.. » etc.

Parlant de ses séjours aux Usa il dit « Ce furent parmi les meilleures années de ma vie. J’avais un métier passionnant, de l’argent, du personnel, une belle voiture et la montagne sauvage à une demi-heure de chez moi. La belle vie !… Si j’avais à recommander un pays à un musulman, ce sont seraient les Etats-Unis, on s’y sent libre de pratiquer à son aise. » 

 

 

 

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[1] Editions Fayard 2003.

[2]  pour donner une idée de l’échelle, le PIB de la France en 2000 était de 1400 milliards d’euros.