Cercle d'Etude de Réformes Féministes

 

Face aux obscurantismes (l'islamiste et les autres) : le Devoir de Liberté

 

 

 

ROUZBEH SABOURI

PAR DELA LES VOILES , CHANGEMENTS SOCIAUX ET CONDITION FEMININE EN IRAN[1]

 

 

Rouzbeh Sabouri commence par retracer l'histoire de l'Iran du XXeme afin de montrer le processus socio-historique qui a abouti à la révolution de 1979.

 

L'Iran est au XIX eme siècle une société féodale dirigée par une monarchie despotique, où les religieux ont la mainmise sur l'éducation, l'administration et la justice, et possèdent un tiers des terres (Il existe dans l'islam chiite un véritable clergé).  A la fin du XIXeme, l'Iran se trouve soumis à l'influence russe d'une part, anglaise d'autre part. L'influence étrangère ruine l'économie traditionnelle, la pénétration des idées laïques modernistes menace les religieux : marchands et religieux vont s'allier contre le pouvoir central.

Rouzbeh Sabouri insiste sur la diffusion des idées occidentale en Iran, dès le XIXeme : ouverture d'écoles de filles (dès 1835), organisations féministes, notamment socialistes, réclamant l'abolition de l'obligation du voile, une monarchie constitutionnelle ...

L'Iran est envahi pendant la deuxième guerre mondiale, et les anglais contrôlent la production du pétrole. En 1951, le premier ministre du Chah, Mohamad Mossadeh, nationalise le pétrole iranien. La CIA et les anglais organisent un coup d'Etat. Le Chah étouffera dès lors toute opposition.

Par contre, il va mettre en oeuvre une "révolution blanche"  : réforme agraire ( qui échoua et entraîna un fort exode rural, et mécontenta les religieux propriétaires fonciers),  création d'une "armée du savoir", droit de vote et éligibilité des femmes, abolition du port du tchador , "loi sur la protection de la famille" qui améliorait les droits des femmes par rapport à la charia, légalisation de l'avortement ...

Rouzbeh Sabouri insiste sur l'idée que ces changements là n'étaient pas seulement imposées par le haut, mais qu'ils correspondaient à des idées qui avaient depuis longtemps fait leur entrée dans la société iranienne.

De même, Rouzbeh Sabouri souligne que la révolution de 1979 fut la révolution de tout un peuple, rassemblant jusqu'à trois millions de personnes dans la rue aux cris de "dis mort au Chah !", et pas seulement une révolution islamique, les forces laïques libérales comme de gauche y participèrent.

" Comme les religieux n'avaient jamais pris le pouvoir en Iran, et que les écrits de l'Ayatollah Khomeiny étaient absolument inconnus du public, personne n'avait de raison de se méfier de lui."

 

Les femmes avaient participé aux mouvements politiques précédents, tels ceux pour la nationalisation du pétrole, mais "le fait nouveau quant à la révolution de 1977-1979, était l'étendue de leur participation".

" Les religieux ont d'ailleurs rapidement su profiter de cette volonté féminine pour l'émancipation, afin d'en faire une force indispensable dans le harcèlement du régime. Par exemple, selon une vieille tactique révolutionnaire, c'était elles que l'on mettait en tête des manifestations ; elles et 1eurs enfants. Ainsi, les soldats n'avaient d'autres choix que de massacrer des femmes et des enfants, ou de se laisser déborder et donner à la foule des preuves de faiblesse dont elle profitait aussitôt pour s'enhardir de plus en plus ( Christian Delannoy et Jean Pierre Pichard, Khomeiny, la révolution trahie, Carrere 1988."

 

[ Vieille tactique "révolutionnaire" ou vieux cynisme d'hommes lâches et sans scrupule, criminels de guerre envers leurs propres "femmes et enfants" ?! ]

 

Rouzbeh Sabouri rapporte les propos de Akram Mirhosseini (fondatrice en France de la ligue des femmes pour la démocratie) : durant ces manifestations "nombre de femmes, même celles qui n'avaient jamais porté le voile, se sont couvertes pour bien montrer leur volonté à combattre le Chah".

[ Akram  Mirhosseini était juriste et haut fonctionnaire en Iran, elle avait raconté combien les propres mères des femmes de sa génération se désolaient et les mettaient en garde " Ne suivez pas les barbus !" ...]

Rouzbeh Sabouri explique que le tchador était le symbole d'une identité, non pas islamique, mais nationale, du refus du régime et de ses excès dans l'imposition des normes de l'Occident.

 

Rouzbeh Sabouri, se référant à Chahla Chafiq,  parle de "cette réaction rageuse que manifestait la plupart des révolutionnaires gauchistes iraniens (les communistes tout autant que la "gauche islamiste") face à cette femme non-voilée, "moderne", l'image de la femme occidentale. Réprimés par le Chah, nombre de ces intellectuels commençaient à éprouver la nostalgie d'un passé où et où ils avaient au moins la possibilité de se sentir maîtres quelque chose en rentrant à la maison. Tel cet intellectuel de gauche qui écrivait en 1969 : " La femme traditionnelle iranienne, cette femme du passé qui, au moins, était une bonne maîtresse du foyer. ( ...) Alors que la femme citadine iranienne en train de perdre toutes ses simples qualités humaines, de l'Occident, elle a appris à se déchaîner violemment contre des principes éthiques, après avoir abandonné le tchador, et ... nous voyons comment elle se traîne dans boue de la trivialité".

 

Rouzbeh compare les discours de Khomeiny avant la préparation de la révolutionnaire, avec ceux qui a tenus pendant la révolution, où il ment effrontément, surtout par omission, en parlant d'égalité; de droits de l'homme,(" les femmes seront libres de choisir leur habit, nous leur interdirons seulement de porter des habits frivoles"), puis après la révolution.

Lorsque Khomeiny impose le voile, dès mars 1979.Les femmes manifestent aux cris de " La liberté n'est ni occidentale ni orientale, la liberté est humaine."

Le slogan le plus célèbres des campagnes du régime islamique sera " le foulard ou la raclée". Les Gardiens de la révolution (Pasdaran), les membres du Parti de Dieu (Hezbollah) et des femmes militantes islamistes, poursuivront les contrevenantes à coup de fouet, les défigurant au rasoir, à l'acide, ou les tuant par balle...

Pour Rouzbeh Sabouri, l'importance phénoménale des effectifs consacrés à faire respecter par les femmes les règles vestimentaires, même quand la situation économique était mauvaises, montre qu'il s'agissait d''une "question de survie" pour le régime "islamique"".

Selon l'ayatollah qui était procureur général du régime en 1992 " quiconque rejette le principe du hijab est un apostat et, en droit islamique, le châtiment pour un apostat est la mort.".

 

Rouzbeh Sabouri analyse les discours stupéfiants des religieux sur les femmes.

[ Répugnants d'égoïsme sexuel et autre, pratiquant sans vergogne la double échelle d'appréciation. Il est assez amusant de lire les discours de ces ayatollah, proclamant leur mépris pour les femmes qui ont "recours à la force et aux sanctions légales pour empêcher l'homme d'user de la répudiation", jugeant qu'agissant ainsi "la femme perd sa dignité". Leur impudence est si grossière qu'elle en est comique. Et elle nous rappelle si bien la bonne conscience outragée des occidentaux qui s'offusquèrent que les femmes aient la brutalité de demander des peines contre le viol, le harcèlement sexuel et autres ... brutalités, précisément, auxquelles les hommes n'ont pas de gène à les soumettre, elles, par la force et la contrainte.]

 

Il décrit la régression des femmes sous Khomeiny, qui ramena notamment l'âge légal du mariage pour les filles à neuf ans... Parmi les atrocités qu'il rapporte, le viol d'une petite fille de cette âge par les tortionnaires d'une prison, devant ses parents.

Il rapporte aussi des actes de justice "populaire" en province : des femmes égorgées en public en plein jour, pour désobéissance (1993). Il voit là l'effet sur les mentalités de la cruauté du régime, dont le code pénal précisait : "Les pierres utilisées pour infliger la mort par lapidation ne devront pas être grosses au point que le condamné meure après en avoir reçu une ou deux, elles ne doivent pas non plus être si petites qu'on ne puisse leur donner le nom de pierre".

 

Quant aux objectifs, il cite l'ayatollah Khomeiny :

"La guerre sainte [djihad] signifie la conquête des territoires non musulmans. Il se peut qu'elle soit déclarée après la formation d'un gouvernement islamique digne de ce nom, sous la direction de l'Imam ou sur son ordre. Il sera alors du devoir de tout homme majeur et valide de se porter volontaire dans cette guerre de conquête dont le but final est de faire régner la loi coranique d'un bout à l'autre de la Terre. Mais que le monde entier sache que la suprématie universelle de l'islam diffère considérablement de l'hégémonie des autres conquérants. Il faut donc que le gouvernement islamique soit d'abord créé sous l'autorité de l'Imam afin qu'il puisse entreprendre cette conquête qui se distingue des autres guerres de conquête injustes et tyranniques faisant abstraction des principes moraux et civilisateurs de l'islam".

 

 

 

 



[1] L'harmattan 19995