Cercle d'Etude de Réformes Féministes

 

Face aux obscurantismes (l'islamiste et les autres) : le Devoir de Liberté

 

 

 

TARIQ RAMADAN

 

 

COMMENTAIRE

 

Le discours de Tariq Ramadan se caractérise par quatre points :

 

1 - L'affirmation que "le Coran est notre constitution", c'est à dire la loi suprême,

2 - Le mépris pour l'Occident, et l'incitation des jeunes à refuser la "colonisation intérieure" par l'occident,

3 - Les procédés rhétoriques déloyaux

4 - Involontairement ou pas, et peu importe, le totalitarisme.

 

La leçon à retenir de ses écrits est :

- L'affirmation que le Coran est la loi suprême caractérise l'intégrisme, peu importe qu'il soit ou non violent : c'est le refus de la laïcité de l'Etat , le refus de la prévalence de la loi humaine sur la loi présentée comme divine,

- Corrélativement, les islamologues prétendant que la "réouverture des portes de l'interprétation du Coran" ou itidja, serait la solution au problème de l'islamisme, se trompent, et nous trompent lourdement.

Le fait que l'interprétation soit ouverte, ne changerait strictement rien à la principale source du totalitarisme islamique : le choix du Coran comme norme suprême.

 

Tariq Ramadan est le petit fils, biographe, et laudateur du fondateur des Frères Musulmans, Hassan Al-Bannâ, (Egyptien, mort en 1949), le fils de Hani Ramadan, fondateur du centre islamique de Genève. Ses textes sont publiés par les éditions Tawhid ( mot signifiant Unicité), ainsi que ses nombreuses cassettes audio et vidéo, le livre présenté ci-après de Asma Lambaret, et nombre de cassettes de Hassan Iquioussen, l'autre "prédicateur" (le premier étant Tariq Ramadan lui-même), dont Dounia Bouzar fait l'éloge dans son livre présenté ci dessous "l'islam des banlieues...". Retour d'ascenseur, Tariq Ramadan fait aussi référence au livre de Dounia Bouzar dans son livret "Musulmans d'Occident".

Autre personne liée à Tariq Ramadan : le directeur du monde diplomatique, Alain Gresh.

 

Nous analyserons ces quatre thèmes en commentant quatre ouvrages (ou série d'ouvrages) de Tariq Ramadan, en commençant par une série de fascicules visiblement destinés à la jeunesse.

Nous avons mis dans le titre des commentaires, le thème principal, selon nous, des passages commentés.

 

 

 

1- DE L'ISLAM

2 - MUSULMANS D'OCCIDENT CONSTRUIRE ET CONTRIBUER

3 - LA FOI, LA VOIE ET LA RESISTANCE

4 - DAR ASH-SHAHADA  - L'OCCIDENT, ESPACE DE TEMOIGNAGE

5 - JIHAD, VIOLENCE GUERRE ET PAIX EN ISLAM

 

 

COMMENTAIRE : présentation

 

Ces 5 petits fascicules d'environ 80 pages chacun, dont le texte est accompagné d'encadré expliquant des références assez simples, est visiblement destiné à la jeunesse, (ou à des gens peu informés).

 

1 - DE L'ISLAM

 

"Camus .. affirme que la foi est ce qui s'ajoute quand la raison s'arrête. Dans la conception musulmane, la raison vient confirmer et prolonger ce que la foi a d'abord affirmé. (...) Le coeur a ses raisons que la raison reconnaîtra. Le souffle précède donc la raison et cette dernière reconnaît ce qui habite déjà le coeur par un travail de prise de conscience."

 

COMMENTAIRE : raison et foi

 

La raison ne peut mener qu'à accepter la loi divine. Ceux qui ne la reconnaissent pas sont irrationnels.

 

"Le sacré et le profane.

La conception musulmane, quant à ces deux domaines, ne correspond pas à celle qui est classiquement définie dans la tradition occidentale au coeur de la sécularisation. En islam, tout acte, dès lors qu'il est réalisé avec le souvenir de Dieu, est considéré comme sacré."

 

COMMENTAIRE :  notion de laicite

 

Rien n'étant profane, il n'y aucune possibilité de distinguer le domaine privé, lieu d'exercice du culte, du domaine public, où la religion n'a pas de place.

 

"Les cinq piliers de l'islam

La shahada, l'attestation de foi, "j'atteste qu'il n'y a de dieu que Dieu et que Muhamad est son prophète".

C'est le premier pilier de l'islam."

 

COMMENTAIRE : shahada, shahid

 

Aucun rapport avec le shahid .... Bien que Tariq Ramadan dénonce les attentats kamikazes, il est difficile de ne pas en voir un.

 

 

2 - MUSULMANS D'OCCIDENT

 

"Nous sommes en occident pour y rester.

...

Il s'agit aujourd'hui pour les musulmans de parler non plus de simple intégration, mais bien de participation et de contribution.

....

Citoyens ou résidents européens, nous sommes attachés au respect des Constitutions nationales auxquelles nous sommes liés par un contrat."

 

 

COMMENTAIRE : intégration

 

Tout le monde est prévenu, il n'est pas question de partir même si quelque incompatibilité pouvait apparaître.

Les musulmans doivent de plus "contribuer" .. par exemple à changer la loi, constitutionnellement,sans se heurter à des obstacles inutiles en faisant la bêtise de bafouer les lois en place. (cf le conseil européen).

Répétons le : certes les français musulmans sont d'abord français donc citoyens. Mais la démocratie n'est pas que formelle. Hitler a pris le pouvoir démocratiquement, l'assemblée a voté les pleins pouvoirs à Pétain, d'autres démocraties avaient voté les pleins pouvoirs à leurs futurs empereurs de droit absolu :  le vote de certaines lois conformément à la procédure démocratique peut représenter la mort de la démocratie.

 

"Nous voulons vivre, ici, mais jamais aux dépens de notre foi.

....

En Europe, il ne s'agit pas d'être seulement intégrés », « acceptés », « appréciés » ou même « aimés ». Le premier acte fondateur de notre être et de notre identité à l'adresse de notre environnement est d'être, clairement et fondamentalement, respectés. Ni plus ni moins... et ce ne sera en tous les cas pas « moins ».

...

Tout se passe comme si les musulmans en Europe, pour être considérés comme "intégrés", devaient faire l'impasse sur la moindre pratique visible de leur religion...

...

C'est son "droit à l'identité" que toute société respectueuse des libertés octroie à ses ressortissants tout comme aux résidents : ce droit est généralement respecté en Occident.

...

Quant à ceux qui craignent le communautarisme, nous précisons que la dimension de communauté de foi est intrinsèquement liée à la pratique musulmane, mais qu'elle doit s'exprimer comme un rayonnement spirituel, jamais comme un enfermement social ou un isolement politique.

....

Personne ne nous empêche d'être ce que nous voulons être et personne d'ailleurs n'en a le droit; cela ne fait pas l'ombre d'un doute...."

 

COMMENTAIRE 1 : identité et respect de la liberté religieuse

 

Nous voulons être ici et vivre selon notre "identité", (notamment vivre en "communauté de foi").

Personne n'a le droit de nous en empêcher. Nous nous ferons respecter.

Autrement dit : a) nous "sommes en Occident pour y rester", la formulation qui s'adresse à des jeunes qui sont pour la plupart nés, grandis ici, qui s'ont d'ici, et pourtant Ramadan s'adresse à eux comme s'ils venaient d'arriver, ce qu'il marque ici dans leur esprit, c'est qu'ils ne font qu'un avec la communauté musulmane, née et venue elle d'ailleurs. b) au nom de notre identité, de notre foi : nous, qui venons d'ailleurs, ne céderons sur rien, sur rien qui soit contraire à notre foi. c) et nous nous ferons respecter, nous ferons respecter notre décision.

Ces propos sont proprement scandaleux, insultant pour le pays "hôte", pour les gens de ce pays.

( Voir sur ces points le chapitre "ni intégrisme ni racisme".

 

 

COMMENTAIRE 2 : identité

La notion clé est l'" identité". Aucune déclaration de droits démocratique ne reconnaît de "droit à l'identité", contrairement à ce qu'affirme Ramadan. Et pour cause : cette notion ne veut rien dire, tout du moins de la part des Etats, mis à part leur obligation d'accorder un nom et une nationalité, point de  rattachement des droits de chaque individu. Un des objets centraux des déclarations, est de reconnaître à l'individu les droits qui lui permettent de vivre sa vie, de se composer éventuellement ce qu'il peut appeler son identité, mais sans se voir imposer aucun enfermement au nom d'aucune identité.

Cette notion est un point de départ de l'enfermement sectaire dans lequel Ramadan pousse les adolescents. Eux qui sont en mal d'"identité", formule mal pensée pour dire qu'ils cherchent comment construire leur vie.

 

COMMENTAIRE 3 : voile

 

Ramadan insinue que selon les européens "de souche", les musulmans devraient se cacher ...

On voit combien le titre de l'article de Morrad El Attab est juste : "Le voile comme cloture identitaire".

 

COMMENTAIRE 4 : l'injonction à ne rien concéder au pays hôte

 

Le message est donc de ne rien céder sur son identité, qu'il est juste de ne rien céder, de ne faire aucune concession sur la foi, de ne faire aucune concession pour la vie en commun dans le pays hôte, dès lors que la foi, - qui en islam régit tout - est en cause...

C'est à la lumière de cette injonction, de ce critère d'action, de cette norme, qu'il faut lire les propos tenus par Dounia Bouzar sur le refus par les familles de dialoguer avec les travailleurs sociaux (voir ci dessous).

 

 

"Il faut que les choses soient claires : si nous nous reconnaissons en tant que musulmanes et musulmans, si c'est à l'islam que nous adhérons, alors il est normal que nous réfléchissions dans et à partir des références musulmanes parce que ce sont ces dernières qui, naturellement, donnent sens à notre vie et à notre mort (...). En cela, nous pouvons dire que la deuxième référence des musulmans est « le chemin » : comment, quels que soient l'époque et le contexte, rester fidèle à Dieu et à Son message."

 

COMMENTAIRE : le Coran comme Constitution

 

La chape se referme. On doit penser DANS les références musulmanes. Sous peine d'être infidèle.

 

"La sharia , c'est comment être et demeurer musulman, c'est la voie de la fidélité aux principes de la foi vivante, de la responsabilité, de la justice, de l'équité, du respect et de la liberté. Pour la musulmane et le musulman, ces principes généraux sont universels et dessinent le sens et l'horizon du chemin, de sa vie sur Terre.

Pour une oreille habituée aux catégories de la pensée occidentale, on pressent combien cette formulation peut paraître a priori gênante : l'universel, produit par une autre instance que la faculté de raison, peut enfanter le dogmatisme, l'intransigeance, voire le fanatisme. Pour se prémunir de cette tentation, il s'est donc agi de tout relativiser, hormis l'énonciation de valeurs élaborées par la raison humaine universelle. Un être humain ouvert et moderne se mesurerait donc à sa capacité à relativiser ce qu'il croit, puisque dans l'ordre de la rationalité tout est forcément relatif à l'exception, nous l'avons dit, de quelques valeurs et droits fondamentaux (et universels) sur lesquels les hommes peuvent se mettre d'accord.

La tradition musulmane établit les choses différemment (...)

Il existe aujourd'hui un nouveau dogmatisme de la relativité qui ne résiste pas à la troublante tentation de faire de la relativité un absolu et qui, somme toute, n'est pas moins dangereux que l'enfermement dogmatique de certains théologiens. Ce qui est déterminant pour un musulman, ce n'est pas de relativiser l'universalité de son message mais bien de considérer comment le message, qu'il reconnaît comme universel, appréhende la pluralité des croyances, des cultures, des opinions et plus largement des contextes humains et sociaux."

 

COMMENTAIRE : universalisme et relativisme

 

Ramadan reconnaît l'opposition entre l'universel démocratique, celui d'un minimum de principes intangibles, laissant tout le reste de la réflexion ouverte, et l'universel musulman, qui pose l'universel comme réduit à l'islam "universel" car seul valable (seule vraie religion).

Mais il atténue immédiatement l'effet choc par une critique sophiste du relativisme.

Le sophisme est ici la confusion entre relativisme et dialogue, ouverture. Ecouter tout, prendre tout en compte dans sa réflexion, accepter l'apport de l'autre, accepter d'envisager de remettre en cause ses jugements, ne signifie pas ne rien juger, ne pas porter de jugement de valeurs.

 

"Il nous faut effectuer, littéralement, une révolution intellectuelle et affirmer sereinement : tout ce qui en Occident, sur le plan légal, politique, social, culturel ou économique, ne s'oppose pas à un principe fondamental de notre religion est, de fait, islamique. (...) Il s'agit donc non pas de relativiser nos principes universels, mais bien plutôt de construire notre avenir à partir de l'importante latitude offerte par ces principes quant à leur capacité d'intégrer le relatif, le divers, le pluriel.

....

Se considérer chez soi, c'est ne pas hésiter à appliquer le qualificatif d'« islamique » à toute loi, à toute institution, à toute organisation, à tout trait culturel et à tout processus en adéquation avec nos références.

....."

 

COMMENTAIRE 1 : Pluralisme et intégration

 

L'islam est ouvert, pluraliste, la preuve : ce qui est compatible avec ses principes est varié, il peut même se trouver dans des pays non musulmans, des éléments conformes à l'islam : il y a donc lieu de les intégrer. La question n'est plus de s'intégrer soi-même mais d'intégrer les autres.  Nuance.

Ce qui conduit logiquement Ramadan à inviter à une démarche typique de tout impérialisme : le changement des noms, tout ce qui est intégré par l'oumma est qualifié d'islamique.

Qu'arrivera-t-il à ce qui empêcherait de vivre à l'islamique ? - Sachant que tout dans la vie d'un musulman est "sacré", donc doit être islamique ou ne pas être -  Voir paragraphes précédents : on s'en fera "respecter".

Quand on connaît le sens du mot "respecter" dans la tête de nombre d'adolescents, à savoir faire se soumettre ou se soumettre .... on trouve que ce mot a une drôle de résonance.

Ce ne sont peut être pas les connotations que Ramadan veut donner à ce terme et à l'ensemble de ses prescriptions, mais c'est un sens dans lequel elles nous semblent pouvoir être comprises, car c'est un sens (peut être pas le seul) dans lequel elles trouvent une cohérence. 

 

COMMENTAIRE 2 : intégration

 

Tariq Ramadan critique l'idée de "fermeture" de la communauté musulmane sur elle-même. Mais quelle ouverture à l'occident propose-t-il ? Il n'en propose jamais que deux, si l'on peut parler d'ouverture pour la deuxième :

- l'ouverture aux "détails" de la culture européenne compatibles avec les variantes que peut avoir la loi islamique,

- la "contribution" : nous traduisons ( lui ne le dit pas) à la lumière du conseil européen de la fatwa : changer les lois européennes. Le livret de Tariq Ramadan est illustré de jeunes filles voilées allant voter...

 

 

 

 

3  LA FOI, LA VOIE ET LA RESISTANCE

 

"La force d'une culture dominante consiste souvent à s'approprier les critères de référence et ceux-ci sont d'autant plus performants s'ils définissent et s'appuient sur le « naturel ». Les autres cultures et civilisations sont alors perçues comme singulières, proposant des particularismes - intéressants certes, mais toujours spécifiques. "

 

COMMENTAIRE : domination

 

Tariq Ramadan fait ici appel à la critique de la domination, ce qui va lui permettre d'en venir au thème de la colonisation. Le problème de son argumentaire, est que, si bien sûr, il y a une prétention du dominant à connaître l'universel et à le réduire à son universel, il n'est nullement interdit au dominé qui n'est plus ni esclave, ni colonisé etc.. d'engager un dialogue sur la notion, les critères de l'universel.

Or Tariq Ramadan n'engage jamais ce dialogue - tout en parlant de dialogue...( il y a là un déni du non dialogue) -. Il décrit les différences de conception. Mais il n'analyse pas les différentes valeurs et concepts pour justifier l'universalisme des unes ou des autres. Ou plutôt si, il faut bien en venir à la conclusion suivante : il n'y a qu'une justification pour lui : c'est dans le Coran. Et passé cette limite : on ne pense plus. Il n'y a rien à analyser, à justifier, il faut parce qu'il faut, selon le Coran, c'est ainsi.

 

"Le mot est lâché: dans l'esprit de beaucoup de musulmans, parler de la femme en islam se fait avec l'intention, formulée ou non, de défendre l'islam. C'est la preuve, en soi, qu'ils ont déjà été colonisés par la logique de « l'autre », celui qu'ils ressentent comme un potentiel détracteur et qui, ainsi, leur impose son cadre de réflexion et le choix de ses priorités. Impossible alors d'élaborer une représentation harmonieuse et un discours propre sur la question de la femme en islam... D'emblée, on est mené à considérer ce qui fait problème pour l'autre, à lui répondre au coup par coup, et maladroitement... forcément. N'ayant pas pris le temps de méditer, de penser et de dire l'être de la femme en islam, on développe un discours négatif, et obscur,"

 

COMMENTAIRE : pas de dialogue sur les bases du dialogue

 

Ce passage illustre ce qui était dit dans le précédent commentaire. Pour Ramadan, accepter les bases du dialogue de l'autre, c'est être "colonisé". Ramadan fait il semblant de ne pas savoir que le dialogue peut commencer ou le débat s'éclaircir, par une discussion sur son propre objet, sur les questions posées, sur les concepts utilisés ? Ramadan s'adresse ici à des gens "maladroits", "n'ayant pas pris le temps de méditer" (ni de lire ?). A ces gens ayant une notion primitive du dialogue, il ne donne aucun éclaircissement, aucune méthode,  il explique seulement que la cause du problème est ... la "colonisation".

 

"Le devoir de résistance

La première résistance est aujourd'hui, très clairement, une entreprise de décolonisation. Il s'agit pour chaque musulmane et chaque musulman de retrouver le chemin de son être le plus profond, de redevenir un être libre. La vie quotidienne en Europe (...) est propre à façonner, presque inconsciemment, une seconde nature qui s'apparente à une prison. "

 

COMMENTAIRE : la décolonisation intérieure

 

Adressé à des jeunes, un tel discours (jouant sur la crainte de se perdre soi-même), apparaît particulièrement cynique.

 

 

DAR ASH-SHAHADA   L'OCCIDENT, ESPACE DE TEMOIGNAGE

 

"Dar al-islam : la demeure de l'islam

Dar al-harb : la demeure de la guerre

Dar al-ahd : la demeure de traité

...

Dar al-islam, Dar al-harb, Dar al-ahd n'ont leur origine ni dans le Coran ni dans la Sunna. En fait; ils constituait une tentative humaine, historiquement datée, de décrire le monde.

...

À l'époque de la mondialisation, alors que toutes les nations - et même les pays musulmans - sont soumises à un « nouvel ordre mondial » et à une occidentalisation qui oublie, rejette, ou simplement nie Dieu, la spiritualité et toute forme de transcendance (...) les musulmans doivent faire face à leurs responsabilités afin, d'une part, de témoigner authentiquement de leur foi en l'unicité de Dieu, de leurs valeurs de justice et de solidarité et, d'autre part, d'agir en conséquence,

...

Cette vision inverse la perception reposant sur les anciens concepts, qui incitait inévitablement les musulmans à adopter une posture réactive en tant que minorité et, de ce fait, les conduisait à déterminer et à seulement protéger leurs droits minimaux.

(...) le concept de dàr ad-da'wa en référence à la période mecquoise durant laquelle les musulmans, quoique minoritaires dans une société qui rejetait la nouvelle Révélation, se considéraient comme responsables du témoignage de leur foi devant leur peuple et leur tribu.

De même pourrait-on dire, dans le nouvel ordre mondial actuel (...) Affirmatifs et sûrs d'eux, [les musulmans] doivent rappeler Dieu et la spiritualité aux gens qui les entourent et, pour ce qui concerne les affaires socia­les, ils doivent s'engager pour plus de valeurs et de morale, de justice et de solidarité. Ils ne subissent pas leur environnement mais, au contraire, une fois en sécurité, ils l'influencent de façon positive.

...

le concept de da'wa, quoique essentiel, demeure polysémique et très connoté.

...

nous pourrions plus justement, à notre sens, nous référer à la notion de shahâda (témoignage) dans la mesure où celle-ci présente deux aspects importants. Le premier renvoie à la shahâda que tout musulman, pour être reconnu comme tel, doit prononcer devant Dieu et devant toute l'humanité, témoignant qu'« il n'y a pas d'autre divinité que Dieu et que Muhammad est Son envoyé », et par laquelle il définit son identité. Le second est lié au devoir des musulmans, selon la prescription coranique de "témoigner (de leur foi) devant l'humanité".

(...)

Plus largement, cela signifie que le (la) musulman(e) doit, ou au moins doit pouvoir respecter les commandements et les prescriptions de sa religion et agir en fonction de ce qui est licite et illicite en islam. Il (elle) ne devrait pas être forcé(e) à agir contre sa conscience, car ce serait là un « déni d'identité ».

...

Dans chaque type de société, et bien entendu dans un environnement non musulman, il (elle) est un témoin, un shàhid, et cela englobe la notion de da `wa.

...

Cette shahâda n'est pas seulement verbale. (...) Porter la shahâda signifie être engagé dans la société dans tous les domaines où le besoin se fait sentir: le chômage, la marginalisation, la délinquance, etc. Cela signifie aussi être engagé dans le processus qui pourrait conduire à une réforme positive aussi bien des institutions que des systèmes juridiques, économiques, sociaux et politiques afin d'apporter davantage de justice et une réelle participation populaire.

....

En tant que minorité religieuse, les musulmans ne peuvent évidemment pas appliquer tous les principes et prescriptions généraux institués par le Coran et la Sunna dans le domaine des affaires sociales (al-mu'âmalât). Les prescriptions spécifiques concernant le mariage, la mort, l'héritage, le commerce, l'intérêt, etc., ne sont pas en vigueur en Europe."

 

COMMENTAIRE : shahada, shahid et appel à changer la loi pour la charia

 

Devant un tel "déni d'identité" de la part des colonisateurs intérieurs, les "shahids" sont appelés à militer pour changer la loi qui les empêche d'appliquer le Coran, comme le leur demande le conseil européen de la fatwa.

Les femmes qui sacrifient leur scolarité ou leur emploi pour porter le voile sont des "shahida".

 

 

5 - JIHAD, VIOLENCE GUERRE ET PAIX EN ISLAM

 

 

"Ce que Bat Ye'or laisse entendre à tous ses lecteurs, c'est que l'islam, par nature, est une religion de conquête qui légitime l'emploi des armes."

 

COMMENTAIRE : exit la spécialiste des "dhimmis"

 

Bat Ye'or a étudié pendant vingt ans les dhimmis, ( Tariq Ramadan cite les titres de ses ouvrages), c'est à dire les non musulmans en pays musulmans. Ces ouvrages sont très riches et nuancés sur cette question, il n'est pas évident que les propos de Bat Ye'or puissent être résumés comme le fait Ramadan. Il aurait pu citer Ibn Warraq qui assène lui des jugements des plus cinglants sur l'islam. Mais voilà, c'est la spécialiste de la dhimmitude qu'il s'agit de disqualifier. Voir notre " Réponse" dans le chapitre suivant.

 

 

(Mahomet] ne combattit jamais les populations parce qu'elles auraient refusé de se convertir à l'islam. Il voulait que celles-ci choisis­sent en sachant pleinement ce qu'était l'islam ; après quoi il acceptait leur choix et leur recon­naissait le droit de rester où elles habitaient, de pratiquer leur religion. Les populations non musulmanes payaient une taxe (aj-jizya) en échange de la protection de l'État.

 

COMMENTAIRE : le statut des dhimmis selon Tariq Ramadan

 

Lénifiant. Voir notre "Réponse"

 

 

"L'islam nous encourage à rechercher la paix; mais pas de paix s'il n'y a pas de justice. Une paix sans justice n'est pas une paix; au mieux, c'est une affiche publicitaire, un sophisme ou... un soporifique."

 

COMMENTAIRE : paix et justice

 

On retrouve ici le slogan bien connu de toutes les manifs pro-palestiniennes "pour une paix juste au proche-orient"... Sans entrer dans ce débat, on observera seulement que c'est toujours au nom de la justice, que la guerre suivante est déclarée. La guerre étant une condamnation à mort collective, au nom de quelle justice peut on la justifier ? On ne peut justifier une guerre que par le souci d'empêcher des morts commis par des agresseurs, pas par la justice.

 

"La condamnation des actes de terrorisme comme ceux de New York doit être sans appel. Rien en islam ne peut légitimer ces actes.

....

La résistance palestinienne est légitime (...). Pendant des années, la résistance palestinienne ne s'est pas attaquée à des cibles civiles mais (...) leur dernier recours fut les opérations contre les civils. Il faut autant condamner ces actes que condamner l'attitude des parties en présence dans la gestion de la crise.

...

Qui a visité les territoires occupés sait que les jeunes adolescents qui lancent des pierres ne sont pas des endoctri­nés, que les enfants n'y sont pas exposés, mais que la réalité est tout autre: à bout de patience, sans avenir, sous les yeux d'un occupant arrogant, les jeunes ont envie d'en découdre et sont prêts à y laisser leur vie tant celle-ci leur est volée, niée..."

 

COMMENTAIRE : attentats condamnés mais "expliqués"

 

Sur les enfants, voir quelques éléments dans notre "Réponse".

 

Il faut donc résister contre toute personne, où qu'elle soit, quelle qu'elle soit, qui nous dira: « Tu n'as pas le droit de dire qui tu es, tu n'as pas le droit d'exprimer ta foi et tes opinions. » Bien entendu, la paix est notre plus sincère désir; mais si l'on nous combat, il faudra manifester clairement notre devoir de résistance.

 

COMMENTAIRE : résister pour avoir le droit d'exprimer sa foi

 

Le droit au voile ou la guerre.

Tariq Ramadan ne dit pas cela, mais l'impression déplaisante que laisse la lecture de son texte, est qu'il peut être facilement compris dans ce sens là. Surtout quand on le compare aux propos des chefs du FIS, au sujet de la réaction du peuple lorsqu'on le prive de la liberté religieuse, propos cités par Latifa ben Mansour ( Voir chapitre sur l'Algérie).

 


 

TARIQ RAMADAN ET ALAIN GRESH

L'ISLAM EN QUESTION [1]

 

"Hassan al-Banna  [ mort en 1949 ] refusait la violence et n'a admis l'usage des armes qu'en Palestine pour résister à la colonisation sioniste. Dans les années quarante, il s'était borné à menacer le colonisateur: "Si vous ne quittez pas notre pays, nous serons en droit de prendre les armes"."

 

COMMENTAIRE : jusqu'en 1948, date de la création d'Israel, le seul colonisateur en Palestine ( qui comprenait l'actuelle Jordanie) était l'Angleterre

 

"Dès 1927, dans la ville d'Ismailiyya, Hassan al-Banna constate la réalité d'une colonisation qui est, pour l'Egyptien, une dépossession de soi, de son être, de son coeur, de sa langue. II parle de décolonisation intérieure il a conscience de la nécessité d'une réforme et d'un processus de libération très profonds et il va orienter son action en ce sens. II fonde l'association des Frères musulmans en mars 1928..."

 

COMMENTAIRE : décoloniser intérieurement

 

Parler d'intériorisation par le dominé de la domination se comprend (voir les livres d'Albert Memmi et Lise Noël sur le sujet), mais parler de décolonisation intérieure à des jeunes nés en Europe prend un autre sens.

 

"On ne peut pas éviter un clash des civilisations tant que l'attitude du Nord restera perçue comme une politique totalement cynique à l'égard du Sud, qui s'accommode des dictatures et du terrorisme d'Etat si cela sert ses intérêts."

 

COMMENTAIRE : clash des civilisations

 

Quand l'Occident est impérialiste il trahit les principes de sa civilisation.  Quand on présente l'attitude du nord, lorsqu'elle est impérialiste, comme l'incarnation de sa civilisation, on favorise le clash. Exactement comme lorsque l'on présente Ben Laden, et l'usage que les Etats arabes font de la manne pétrolière, ou des esclaves, ou des enfants palestiniens, comme l'incarnation des valeurs musulmanes.

 

"Que l'on songe à l'impact de la télévision basée au Qatar, Al-Jazirah. (...) L'émission hebdomadaire du cheikh Qaradawi est suivie par des millions de personnes à travers le monde. Qaradawi est originellement de l'école de Hassan al-Banna et son aura dépasse toute affiliation à un groupe ou à une organisation. Son discours sur la femme, sur la démocratie dont il défend les principes en les inscrivant dans la philosophie politique musulmane, apporte un souffle nouveau."

 

COMMENTAIRE : Al Qaradawi

 

Son discours sur l'apostasie (voir ci dessus), sans doute aussi...

 

 

"Hier, face au colonialisme, on croyait qu'il n'y avait qu'une seule réponse possible, un modèle - "l'Etat islamique". Maintenant, nous savons que penser en termes de modèle idéal est inadéquat et que l'approche tradi­tionnelle des textes a montré ses limites. (...) L'expérience iranienne, entre autres, a beaucoup apporté à cette réflexion.

....

Progresser suppose que l'on ait la possibilité d'expérimenter, d'appliquer, de rectifier ; bref, d'évoluer, comme le montre le cas iranien. Depuis des décennies, cela n'est pas possible car ce sont les dictatures qui monopolisent l'espace politique.

...

L'évolution de la pensée des réformistes iraniens, leurs dissensions avec les conservateurs, c'est bien la profondeur de la rupture provoquée par la révolution qui les a permises.

...

En vingt ans, l'Iran s'est plus transformé - non pas seulement sur le plan politique mais aussi sur celui des idées et des modes de relation aux références scripturaires - que n'importe quel autre pays musulman appa­remment progressiste parce que structurellement "laïque". Dans le monde musulman, "laïque" veut dire "dictature", au regard du bilan historique des régimes politiques comme la Turquie, la Syrie, la Tunisie ou d'autres : dictatures où le meurtre des intelligences est quotidien.

Encore une fois, on peut ne pas partager les opinions d'Erbakan, de Khatami ou d'autres dirigeants musulmans, comme c'est souvent mon cas d'ailleurs, mais force est de reconnaître que l'ave­nir des pays musulmans passera par cette réappropriation de leurs références et par une évolution endogène, au rythme des progrès de la pensée et des mentalités à l'intérieur d'une civilisation en relation, bien sûr, avec les autres."

 

COMMENTAIRE : expérience iranienne versus dictature turque

 

Si l'Iran était une expérience, on aurait peut être pu la faire sur des souris blanches ?

On se demande bien pourquoi l'Europe envisage d'intégrer la Turquie, elle devrait songer d'abord à l'Iran.

 

 

"Il faut absolument en finir avec cette sorte de "monologue dialogué", pour reprendre une formule utilisée pour décrire le mode de dialogue propre à la dialectique socratique : on attend de l'autre qu'il confirme et adopte notre point de vue ; dans le fond, il est davantage un faire-valoir qu'un véritable interlocuteur. Dialoguer, c'est accepter le décentrage, accepter d'entrer dans la logique de l'autre."

 

COMMENTAIRE : dialogue

 

Tariq Ramadan utilise sans cesse une méthode de déstabilisation de l'autre. L'image du décentrage le montre bien. Pour comprendre les concepts de l'autre, nul besoin de "décentrer", il faut tenter de les définir, d'analyser les éléments de ces définitions, comparer etc..

 

"Parmi toutes les forces qui, en Occident, sont en posture de résistance à l'ordre économique dominant, combien comprennent et défendent ces deux conditions nécessaires et à mon sens fondamentales : d'une part, que ce sont précisément nos principes communs qui doivent nous permettre d'établir des alliances avec autrui, au-delà des clivages de civilisation et de religion ; d'autre part, qu'il est nécessaire de ne pas confondre la défense de principes et l'imposition d'un modèle.

Séparer ces deux conditions peut transformer les progressistes anti-impérialistes ou anti-mondialisation en nouveaux impérialistes du seul "vrai modèle" culturel de progrès, celui du Nord. En d'autres termes, il faut se méfier d'un anti-impérialisme strictement économique qui dissimulerait un impérialisme culturel bien sournois. (...)

J'ai vraiment l'impression que l'on a produit en Occident un discours sur les valeurs qui a beaucoup de mal à admettre la multiplicité des modèles. On est loin d'être sorti du colonialisme intellectuel et du colonialisme des modèles sociaux et culturels. Derrière le discours de beaucoup de "progressistes" de gauche se dessine une vision qui demeure encore très coloniale, très "mission civilisatrice", dans son rapport aux autres civilisations. On entretient, implicitement, l'idée d'un retard dans le développement culturel..."

 

COMMENTAIRE : le colonialisme des anti-mondialisation

 

Il est bien certain que si l'on nous demande si imposer une loi prétendue divine contre la loi humaine, si imposer le texte littéral d'un coran ou autre, contre le principe d'égalité, sont les manifestations d'un retard culturel, nous répondrons pour notre part : oui. Les leçons de ces deux erreurs ont été tirées depuis des siècles, et il était inutile de faire retourner l'Iran au moyen age pour se satisfaire de le voir soit disant progresser de vingt ans ...

 

"Je suis très critique à l'égard du Soudan sur le plan politique car c'est un système extrêmement fermé et je n'ai eu de cesse de le dire dès 1991. Il reste que, dans les années 1989-1990, il a réussi à développer, grâce à l'idée d'un "jihâd social pour le développement du pays", une agriculture vivrière qui a connu entre 11 et 13 % de croissance."

 

COMMENTAIRE : Soudan

 

Voir notre "Réponse"

 

 

 

Mais que signifie le slogan de Hassan al-Banna "Le Coran est notre constitution" ?

T. R. - "On a souvent volontairement réduit le sens de ce mot d'ordre. Lorsqu'il le lance, dans les années trente, Hassan al-Banna veut signifier "Nous avons notre référence, à partir de laquelle nous pouvons réfléchir. Nous ne voulons pas nous soumettre à la colonisation légale et culturelle produite par le colonialisme." Il ne dit pas que le Coran contient le détail des éléments nécessaires pour l'élaboration d'une constitution moderne : au contraire, il est d'avis que les grands principes sont inscrits dans la révélation mais que l'intelligence humaine doit élaborer leur "contextualisation". Cela est tellement vrai que, lorsqu'en 1941, alors qu'il se présente aux élections législatives, on lui reproche de soutenir ainsi la Constitution égyptienne non islamique (le slogan que vous citez était déjà en vogue et l'on voyait donc une contradiction), il rétorque que ladite Constitution comporte des acquis qui sont loin d'être en désaccord avec les principes islamiques. Le slogan est trompeur et il a bien réduit la pensée originelle du fondateur des Frères.

...."

 

COMMENTAIRE : le Coran est notre Constitution

 

Tariq Ramadan nous explique ici que nous n'avons encore rien compris, que le Coran n'est pas une constitution ...

 

 

T. R. - Ce que vous avez dit tout à l'heure à propos de la référence fondamentale est exactement ce qu'avaient d'abord compris ceux qui ont affirmé "Le Coran est notre constitution." Certains musul­mans en ont réduit considérablement la portée. Ils en ont fait une référence fermée, alors que cette démarche aurait dû décupler l'énergie rationnelle quant à la recherche des voies de la fidélité face aux défis de nos sociétés contemporaines. Le slo­gan a d'abord agi comme un électrochoc, mais cer­tains ont fini par étouffer sa portée par une lecture très littérale. Pour le croyant, néanmoins, il est des principes fondateurs qui peuvent faire naître une confrontation entre sa conscience et la loi. Vous l'avez dit, même votée par la majorité, une loi n'est pas forcément la meilleure ni une garantie absolue d'application de la justice... la question alors demeure même après vous avoir écouté : où est la limite pour vous, au nom de quoi, et qui décide ?

 

COMMENTAIRE : Le Coran est notre Constitution

 

Nous voilà éclairé-e-s. C'était quoi la question déjà ?

Trève de plaisanterie Tariq Ramadan donne, ailleurs dans ce livre, et surtout dans d'autres livres moins "grands publics" cf "L'islam le face à face des civilisations" et "Aux sources du renouveau"... des précisions sur sa conception. Voici celles qui se trouvent dans "l'islam en question" :

 

 

"Il faut aller loin dans ce débat. Le concept de "charia", par exemple, n'est pas compris de la même façon par tous les musulmans. Pour certains, comme tous les groupes que je viens de citer, il s'agit de se borner à ce que Dieu dit sans médiation critique ; pour d'autres, de l'école de pensée réformiste, au contraire, l'interprétation est impérative et c'est à cette école que j'adhère."

 

COMMENTAIRE : le réformisme en islam

 

Tariq Ramadan nous définit d'abord sa position de "réformiste" dans l'islam.  Il ne s'en tient pas au texte litteral brut. Il explique ensuite ce qu'il en déduit sur la question de l'égalité en matière d'héritage :

 

 

 

"Prenons encore un exemple controversé sur l'héritage et les femmes. Le texte coranique est sans ambiguïtés. Il donne à la femme la moitié d''une part contre une part entière à l'homme dans le cas précis du fils et de la fille. Le principe se comprend par rapport à la conception de la famille en islam où l'homme doit supporter totalement les charges financières d'entretien de la famille au sens large. Je ne vais pas essayer de bricoler le texte. Mais l'appliquer à la lettre, sans aucune mesure compensatoire, dans une société complètement déstructurée produit immanquablement une discri­mination terrible."

 

COMMENTAIRE : le Coran est notre Constitution ...

 

Il est hors de question pour Tariq Ramadan de ne pas appliquer le texte. Mais il nous annonce, qu'il va compenser ses effets inégaux par des mesures compensatoires. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?  Oserons nous, là encore, penser à une idée déplaisante telle que "retard" ?

 

[ Sur la peine de mort ]

"On a considérablement simplifié le problème dans les communautés musulmanes : le droit est stipulé, il prévoit la peine de mort, donc il ne se discute pas. Toute interrogation est considérée comme une volonté de l'idéologie occidentale d'imposer sa marque. II faut en débattre, mais il est imprudent d'en faire le point de départ de la discussion, car celle-ci risque de s'arrêter très vite."

 

COMMENTAIRE : le Coran est notre Constitution ...

 

Nous voilà prévenus. Le Coran dit ...donc fin des débats

 

 

"Je rejette, je l'ai souvent dit, le discours sur la nécessité pour les sociétés musulmanes de se dissocier de l'islam. C'est de l'intérieur, à partir des références musulmanes, que les peuples trouveront les moyens d'enclencher des dynamiques sociales qui leur permettent de libérer tant les femmes que les hommes, d'ailleurs.

....

Le seul "féminisme" accepté sous nos latitudes est celui qui se fonde sur les valeurs occidentales. On n'imagine pas qu'il soit possible à une femme de tenir un discours de libération dans le respect de ses principes islamiques. C'est une erreur dangereuse. Il faut se mettre d'accord sur un point : qui est réformateur ? Qui est progressiste ? Qui est féministe ? Celle ou celui qui parle comme un Occidental en étant complètement déconnecté d'avec sa société (mais qui cependant fait plaisir aux oreilles des intellectuels européens) ? Ou plutôt celle ou celui qui est enraciné dans ses références, lutte de l'intérieur, au rythme des émotions et des intelligences de son peuple et de sa société, pour que la pensée évolue, mûrisse ?"

 

COMMENTAIRE : un discours circulaire

 

Tariq Ramadan veut bien discuter pour comparer ses notions et celles des autres, ... mais DANS l'islam et sa culture, en disqualifiant à priori celles et ceux qui n'y sont pas "enracinés" .... Cette attitude est typique des sectaires, le dialogue est impossible car leur champ de pensée est à priori fermé.

 

 

"Dans le débat sur les valeurs universelles, il faut promouvoir la participation et la contribution des musulmans. On est trop souvent dans une logique d'imposition de la conception et de la formulation occidentales des droits humains."

 

COMMENTAIRE : universel

 

C'est drôle tout de même, on finissait par avoir l'impression de la situation inverse ...

 


 

TARIQ RAMADAN

ISLAM,  LE FACE FACE DES CIVILISATIONS

QUEL PROJET POUR QUELLE MODERNITE ?

 

COMMENTAIRE

Dans cet ouvrage, Tariq Ramadan présente ses idées de manière claire et systématique sur sa conception du .. comment dire ? politico-religieux, et sur les rapports entre orient et occident.

 

"Le coran est pour les musulmans, la parole de dieu révélée (...) au prophète Muhamad (...) pendant 23 années.

En ce sens donc, le Coran représente pour eux une parole d'absolu. (...)

La révélation traite ... de toutes les sphères de l'activité humaine. (...)

Le coran est descendu par fragment et les versets révélés étaient souvent des réponses à des situations spécifiques (..) c'est une réponse relative à l'évènement historiquement daté : l'absolu révélé n'est pas dans la littéralité de la formule mais dans le principe général qui se dégage de ladite réponse. (...)

La législation générale (code civil et pénal, droit constitutionnel, relations internationales, ordre économique etc..) (...) représente 3% du Coran .. il est impossible de répondre aux besoin d'une quelconque société [avec ceci]. (...) Le coran offre donc des principes directeurs, des principes d'orientation. Ces derniers sont, par essence, absolus puisque pour le musulman, ils proviennent du créateur. (...)

La Sunna du prophête, seconde source du droit islamique (...) : [ récits de ] ce que Muhammad a pu dire en telle ou telle circonstance, ou comment il a agi, ou encore ce qu'il a approuvé.

Si (...) les deux sources restaient muettes sur le cas en question, [le premier calife] réunissait pour consultation une assemblée du peuple (...) cette démarche a reçu l'approbation de Muhammad lui même.

 

Le dogme de l'islam, c'est l'existence de Dieu, unique et créateur. Le principe qui en découle est que l'univers entier appartient ) dieu, qui en est par essence le propriétaire. (...) le croyant n'est qu'un gérant qui devra rendre compte de ses actes.

Par les interdits, le créateur révèle à l'homme la dimension du sens et lui indique un horizon de valeurs dont le respect fondera son humanité, sa dignité."

 

COMMENTAIRE : la base conceptuelle

 

Tariq Ramadan indique ici les principaux concepts de l'islam. Le coran est "un absolu", il en énonce la conséquence plus loin : donc le coran est une norme hiérarchiquement supérieure à toutes les normes

 

"horizons de l'islam

les principes sociaux :

L'individu... La famille...Le principe de justice : 1 le droit à la vie et au minimum vital..2 le droit à la famille 3 le droit au logement 4 le droit à l'éducation 5 le droit au travail  6 le droit à la justice  7 le droit à la solidarité "

 

COMMENTAIRE : les droits selon l'islam

 

On ne voit pas ici quelles sont les valeurs "originales" défendues par l'islam, ces finalités sont celles énoncées par les sociétés occidentales.

 

"qu'est ce que la sharia ?

 

La référence à la sharia fait l'effet d'un épouvantail  (...)  La voir appliquée, c'est commencer par le décompte sordide des châtiments corporels, des mains coupées (...) Nourrie par cette imagerie, la référence à la sharia apparaît comme un enfermement obscurantiste (...)

..."

 

COMMENTAIRE : déstabilisation

 

Tariq Ramadan commence ici par nous laisser entendre que nous sommes complètement dans l'erreur.

Il va ensuite repasser au thème de la variété des détails de la loi islamique, nous expliquer la sharia n'est pas que pénale mais concerne tous les domaines de la vie, pour finalement à la justification des mains coupées  ....

 

 

"as-sharia est un terme arabe qui veut dire littéralement retour à la source

...

Pour le musulman, prononcer l'attestation de foi (...), donner l'impôt social purificateur (zakat),jeuner (...) , c'est déjà appliquer la sharia. (...) Vivre, manger, dormir et répondre à tous les besoins naturels qui sont les siens, dans le rappel de la présence du Créateur, c'est déjà appliquer la sharia.

....

À considérer l'état de nos sociétés, prétendre appliquer la sharîa en commençant par l'instauration du code pénal, c'est faire doublement fausse route : c'est commencer par la fin en ne tenant pas compte, d'abord, d'un contexte social profondément nouveau et perturbé ; c'est, ensuite, au comble de l'injustice, transformer les victimes les plus démunies en coupables.

....

On ne saurait donc commencer par la sanction quand tout, sur le plan social, nous pousse à la transgression, au vol, au mensonge, à la délinquance."

 

COMMENTAIRE 1 : dans un monde idéal il sera juste de couper les mains

 

Tariq Ramadan explique ici exactement la même théorie que son frère Hani ( voir ci dessous son article dans le Monde) : appliquer la sharia dans les conditions actuelles serait injuste car les voleurs sont incités vu les injustices actuelles à voler. D'où l'on conclue légitimement que dans un état islamique véritable, cet univers miséricordieux idéal où nul ne serait poussé à voler, il sera juste de couper les mains. Au passage notons bien le thème "gauchiste" du "c'est pas moi m'sieur c'est la société qui est criminel".

 

COMMENTAIRE 2 : la sharia dans tous les domaines

 

Si l'on nous dit que la sharia concerne tous les domaines et détails de la vie, certains pourraient en venir à penser que ce n'est pas seulement un "statut personnel" que les musulmans d'Europe doivent réclamer pour ne pas bafouer "l'absolu" du coran, mais bien la mise en place complète de la sharia.

Mais Tariq Ramadan semble penser y parvenir par une démarche progressive, calquée sur celle de Mahomet :

 

 

"Le Coran, par sa révélation effectuée sur vingt-trois années, révèle l'essence de cette tension en ce qu'il se présente comme une véritable pédagogie divine. Il a formé les hommes de la péninsule- arabique au rapprochement; il les a initiés, d'une révélation- à~l'autre, d'une étape à l'autre, à la meilleure des pratiques tant sur le plan individuel que sur le plan communautaire. Engagés sur la voie, ils n'ont jamais trahi le sens de la sharî `a, bien plutôt ils ont vécu son accomplissement, son parachèvement jusqu'au jour où cette plénitude fut réalisée  "Aujourd'hui, J'ai rendu votre Religion parfaite .." (coran) (...)

Les ulémas,spécialisés dans l'étude des sources de la législation, ont tiré de ce procédé pédagogique une règle de première importance pour l'élaboration du projet social : elle consiste à penser et à déterminer les étapes de son actualisation générale. Il convient donc de fixer des priorités, de planifier les étapes qui permettront de créer un contexte dans lequel l'application d'une règle resterait fidèle à l'objectif coranique."

 

COMMENTAIRE : la pédagogie noire et l'acceptation progressive

 

Tariq Ramadan décrit ici (sous sa responsabilité) la pédagogie de Mahomet comme, (à notre sens), une manipulation, c'est à dire la "pédagogie noire" pour reprendre l'expression d'Alice Miller. Il s'agit de planifier les étages, de faire accepter, tolérer au fur et à mesure ... On peut en déduire (sans prétendre aucunement que ce soit la seule déduction possible) que ce que les ulémas du conseil européen demandent aujourd'hui au musulmans d'Europe, c'est à dire la revendication d'un statut personnel, n'est qu'une étape.

 

 

"La situation de la femme

 

Faire référence à l'islam aujourd'hui sur le plan de l'identité sociale, c'est très clairement appeler à une libération de la femme dans et par l'islam. Certes ce ne sera pas le modèle de libération qui a cours en occident.

...

Des femmes aujourd'hui, de plus en plus nombreuses, désirent participer à la construction d'une société nouvelle, mais ne veulent rien renier de leur fidélité à l'islam. Elles sont "modernes" sans être "occidentales".

...

Les médias occidentaux rapportent les propos des femmes d'Algérie, d'Egypte et du Bengladesh qui, opposées à l'"obscurantisme islamique", pensent "comme ici".

...

La logique ne souffre aucune discussion: l'Occident, c'est le progrès; qui parle la «langue occidentale » est progressiste.

...

Il ne s'agit pas ici d'un simple impérialisme culturel mais, plus insidieusement, d'une sorte de dictature de la pensée qui fixe et détermine le « penser juste » en se donnant les allures de l'ouverture et de la liberté. On admettra la différence de croyance et le relativisme culturel dans la mesure où l'écart confine au folklore, à l'exotisme, avec la condescendance que l'on accorde aux belles coutumes, certes, mais tellement dépassées. Il faudra faire le compte, un jour, de l'agression développée par ce genre d'attitude ; il faudra prendre la mesure de la violence réelle que subissent les cultures non-occidentales aujourd'hui.

...

On a peine à entendre aujourd'hui une intellectuelle voilée qui affirmerait son engagement totalement autonome, ses revendications de femme en refusant de façon déterminée le modèle occidental. (...)

Contre les coutumes locales, contre les traditions ancestrales,contre le patriarcat despotique, contre l'aliénation quotidienne, elles sont persuadées que plus d'islam, c'est plus de liberté

...

il pourrait y avoir quelques avantages pour l'Occident à se voir interpeller sur le sens et la forme de la société qu'il offre à ses nouvelles générations : ce regard extérieur, critique, pourrait être enrichissant en ce qu'il amènerait à relativiser la fatalité du modèle et de la pensée uniques qui entraîne le monde vers plus d'égoïsme, plus d'individualisme, plus de finance... et un grand vide de sens et d'espoir.

...

La signification du voile (...) n'est pas "un signe" d'appartenance religieuse.(...)  Le voile, sur le plan social, c'est la manifestation de la dimension spirituelle et sacrée de l'être.

...

Pour l'homme comme pour la femme, il s'agit d'offrir à l'autre ce que l'on protège des autres."

 

 

COMMENTAIRE 1 : "écoutons parler les femmes voilées"

 

Tariq Ramadan nous tient ici le même langage que certaines féministes à propos des femmes prostituées.

Tariq Ramadan n'explique pas pourquoi, s'il s'agit "pour l'homme comme pour la femme", d' "offrir ce que l'on protége des autres", les garçons ne portent pas également le voile.

 

COMMENTAIRE 2 : l'Occident nous agresse, l'Occident est vide

 

Le mépris et l'accusation d'agression envers l'occident sont ici particulièrement vives.

On comprend pourquoi les féministes s'opposant au voile se voient qualifiées d''inhumaines".

 

COMMENTAIRE 3 : modernité, Occident et libération des femmes

 

Tariq Ramadan se situe ici à l'opposé de la thèse de Chahla Chafiq ( voir chapitre Iran), prétendant, lui, déconnecter la démocratie occidentale de la modernité et de la "libération des femmes".

Il ne nous explique pas sur le fond quelle serait la version "islamique" de cette libération. Mais on peut le lire dans l'annexe de son livre, où il justifie le passage du Coran ordonnant à l'homme de battre sa femme.

 

"Beaucoup ont vu dans ce verset la preuve que l'homme avait tous les droits, dont celui de frapper son épouse. Or, à y regarder de plus près (...) on s'aperçoit qu'il n'en est rien. Tous les commentateurs (...) ont relevé le fait qu'il y avait dans ce verset un ordre précis qui, par sa nature même, avait une fonction pédagogique pour des hommes enclins à en venir immédiatement aux mains (...) Il s'agit, d'abord, d'exhorter son épouse (...) Ce n'est que si elle persiste dans son attitude de refus, qu'il convient de « l'éloigner dans le lit » ce que l'on a interprété comme le fait de manifester clairement la volonté d'éviter tout rapport affectif. Si rien de tout cela n'y fait, alors, et alors seulement, il serait permis de « frapper ». (...) Il s'agit alors (...) d'un coup symboliquement manifesté à l'aide de la branchette du siwâk. Le propos devient dès lors plus clair. À l'adresse des Arabes, il est précisé que toutes les voies doivent être utilisées avant d'en arriver à exprimer sa mauvaise humeur. Il est la dernière instance et en cela, dans sa non-violence, il est la seule violence permise. Le message adressé aux hommes est on ne peut plus clair: la voie du dialogue et de la concertation avec son épouse est celle qui correspond à l'esprit qui se dégage de la Révélation. L'enseignement ne s'arrêtait pas à ce verset et à son interprétation : l'exemple du Prophète, plus que tout, était à même d'exprimer le comportement idéal."

 

COMMENTAIRE : l'homme dit la loi ... par les coups "symboliques"

 

Tariq Ramadan ne doute pas une seconde que ce soit à l'homme d'enseigner la loi, et non l'inverse. Il rencontrera ici l'approbation de la psychanalyse.

La violence de ce déni fait aux femmes de connaître la loi, la violence de la menace permanente de "correction" pour les femmes que représente cette "loi" coranique ont-t-elles besoin d'être soulignées ?

Oui, on peut parler ici de "retard" culturel et d'obscurantisme.

En ce qui concerne le prophète, qu'il soit permis aux féministes de se demander quel modèle peut être un homme polygame ayant épousé une fille de neuf ans.

 

 

"Les orientations politiques

 

il existe (...) un cadre de référence islamique défini par le Coran et la Sunna qui correspond à peu de choses près au statut de la loi fondamentale - la Constitution - (en ce qu'elle va permettre sa formulation) vis-à-vis des législations nationales. On y trouve les orientations générales, les principes et les droits fondamentaux que devront respecter les instances législatives des diverses communautés.

Ce respect ne veut pas dire que les législations nationales seront partout identiques ; nous verrons que les principes sont suffisamment généraux pour permettre de formuler des lois très diversifiées.

Pour les musulmans, ce cadre est d'origine divine et les directives qui y sont liées sont intangibles : c'est le sens bien compris - ici dans les affaires publiques - d'ar-rabbâniyya, qui consiste à situer l'action en lien permanent avec le souvenir des recommandations divines.

Sur un plan ethnologique, nous pourrions dire que les sources sous-tendent une conception de l'univers, de l'homme et de l'organisation de la cité qui fonctionne comme un système de valeurs, comme une culture, qui, par la force des choses, enfante un mode de structuration qui lui est propre.

(...) l'islam est notre référence, il participe de notre histoire et de notre identité; le nier c'est vouloir nous amputer d'une partie de notre être en imposant l'idée que les normes occidentales sont les seules universelles"

 

COMMENTAIRE : le Coran est notre constitution et notre culture

 

et sortir les musulmans de ce cadre est une amputation de leur être.

 

"La shura est l'espace qui permet en islam la gestion du pluralisme. Le terme arabe veut dire "consultation", "concertation" ou encore "délibération".

....

L'histoire occidentale est marquée par la façon dont on s'est représenté le rapport à Dieu au travers de l'institutionalisation de son Église terrestre. (...)

l'Église, forte de ses pouvoirs, a agi comme si elle détenait la propriété - et non pas seulement la gérance - du monde et de la vérité. Elle s'opposa longtemps à la science, à la rationalité, à la pensée libre. Le processus de sécularisation est très clairement le processus par lequel le gérant revendique ses droits après avoir tant étouffé sous l'autorité de l'Église. Il veut et il va libérer un à un les domaines de la pensée et de la gestion du monde de la tutelle dogmatique.

Le gérant s'oppose au propriétaire, ou à celui qui le représente, et va même jusqu'à vouloir s'en débarrasser. Désormais le gérant gère sans propriétaire : il fixe la norme, établit les valeurs, et développe tous les moyens dont il a besoin. Si Dieu reste « utile » pour les questions « privées » du sens de la vie, du mariage ou de la mort, il n'entre plus en considération dans la gestion de la cité: ici, rien n'est imposé, tout est discuté et discutable. La loi morale peut bien être en nous... le ciel étoilé au-dessus de nos têtes reste silencieux : le gérant est désormais responsable de l'ensemble de la gestion.

Le principe démocratique est, dans le domaine de l'organisation sociale, l'aboutissement de ce même processus : il est fondé sur l'idée que rien ne saurait plus être imposé aux hommes que ce que les hommes décident entre eux, à la majorité, au miroir de la seule rationalité, désormais normative. Cette conception de la liberté s'est faite contre l'autorité et elle ne paraît réelle que si elle est totale. Dieu, le sacré, sont hors du monde : le désenchantement de ce dernier semble avoir été, dès l'origine, programmé. Le gérant est absolument libre: autrement dit, le gérant est propriétaire.

....

Cette conception de la liberté diffère de celle dont nous avons parlé plus haut: il ne saurait y avoir de liberté totale qui nierait, par sa réalité même, les fondements du rapport entre le Créateur et les hommes. Il ne saurait y avoir d'autorité dogmatique qui nierait, de la même façon, la responsabilité de l'homme devant Dieu.

....

Née et pensée en Occident par des intellectuels aux prises avec des forces oppressives - elles mêmes justifiées au nom d'un absolu - la philosophie des droits de l'homme est marquée, dans son essence, par cette origine. (..) historiquement, le processus est de l'ordre de la réaction : c'est pour s'affirmer et se libérer des devoirs imposés que l'on codifie et que l'on déclare des droits fondés sur la seule rationalité.

Quel que soit notre souhait de défendre les droits des êtres humains, on se trouve dans l'obligation de reconnaître que la dynamique qui a donné naissance à ces textes comporte trois caractéristiques essentielles : par son histoire, elle détermine le primat de la norme rationnelle ; elle se fonde sur une défense de l'autonomie humaine ; enfin, elle est la réalisation du refus de tout absolu."

 

 

COMMENTAIRE 1 : la loi divine avant la loi humaine

 

Tariq Ramadan expose ici une conception diamétralement opposée à celle des Lumières (cf texte de Kant)

Le pluralisme dont il parle est limité par l'interdit de remettre en cause le coran. Cela ne l'empêche pas d'affirmer plus loin dans le texte que "les principes de la shura font écho à un grand nombre d'éléments de la rationalité démocratique". 

Ce qui rend importe ici, ce sont les omissions, qui rendent le propos, à supposer qu'elles soient volontaires, mensonger.

Ramadan ne parle par des conséquences de cette soumission à la loi divine, de ce qui se passe si le peuple, après avoir débattu conformément à la "shura", se trompe. La réponse est énoncée par d'autres islamistes, elle a été mise en pratique en Iran (cf chapitres Algérie et Iran) :  pour un dirigeant du FIS, cité par Latifa Ben Mansour : "Si le peuple vote contre la loi de Dieu, cela n'est rien d'autre qu'un blasphème. Dans ce cas, il faut tuer tous ces mécréants".

Ramadan ne dit absolument pas cela, mais ce qu'il dit est, à notre sens, absolument cohérent avec cela.

 

COMMENTAIRE 2 : l'église responsable des Lumières

 

Pour Tariq Ramadan, comme d'autres islamistes (on retrouve la même explication dans la brochure d'Arabie Séoudite sur le voile, voir ce chapitre), ce sont les fautes de l'Eglise, sa dictature, qui ont conduit à la revendication de la laïcité et des droits humains. Le rejet de la prééminence d'une loi divine n'est qu'une attitude "réactive", négative contre des abus, elle n'a aucune valeur en soi. Dans cette vision condescendante, l'Occident est l'adolescent qui refuse la loi parce que son père a été un peu sévère.

 

COMMENTAIRE 3 : l'idéologie des droits de l'homme est le refus de l'absolu

 

Ramadan montre ici le point qui oppose radicalement islam (tel qu'il le conçoit) et philosophie des droits de l'homme (telle qu'il la décrit) :  soumission à l'absolu dans l'islam, refus de l'absolu dans la philosophie des droits de l'homme.

 

 

"La population, dès lors que les principes d'élection ont été respectés, fait acte d'allégeance à celui que la majorité a choisi. Cette allégeance suppose des conditions et ne peut être le fait d'une soumission aveugle. (...) Une tradition rapporte: « Le musulman doit écouter et obéir pour ce qu'il aime et pour ce qu'il déteste sauf s'il s'agit d'une désobéissance (aux principes du Créateur) : si on lui impose une telle désobéissance, alors il n y a plus d'écoute, ni d'obéissance. »"

 

COMMENTAIRE : désobéissance

 

A propos de la notion de shura, et des élections qui se déroulent dans son cadre, Ramadan rappelle cite ce passage de la "tradition".  Ce passage qui nous en rappelle un autre, d'un dirigeant du FIS : "Comment voulez vous que réagisse un peuple si on touche à sa religion, à sa foi ? Il devient hors la loi. Voilà le fondement de l'insécurité et de l'instabilité." (Voir chapitre Algérie).

 

 

"Louis Gardet, voulant expliquer la spécificité de la société islamique, parla de « théocratie laïque et égalitaire ».  (...)

Certes la société musulmane a pour référence fondamentale le Coran et la tradition du Prophète («) dont elle tire l'esprit de son organisation sociale, mais elle n'a pas de clergé et elle pose comme principe de sa viabilité la nécessité de la recherche juridique rationnelle, l'application du droit, la participation sociale (élection, représentation,... ). Elle n'est donc pas une théocratie.

De fait, elle recoupe un nombre considérable des présupposés de la laïcité occidentale (avec de surcroît la reconnaissance de la liberté de conscience, de religion et de croyance), mais elle ne se vide ni ne se coupe jamais des finalités générales de sa référence religieuse et éthique. Elle n'est donc pas proprement laïque."

 

COMMENTAIRE : ni théocratie ni laïque : théorie pure du totalitarisme

 

Tariq Ramadan expose ici la théorie d'un totalitarisme pur : pensée bornée dans une référence posée comme absolu, unité de la pensée poussée au point où les intermédiaires sociaux sont inutiles, nous voici dans la fusion totale dans une pensée unique. ( voir ci dessous la théorie de son collègue Asad, qui diffère sur le point de la théocratie).

 

"Roger Garaudy s'est converti à l'islam ... Sa très longue expérience, sa participation aux plus grands débat philosophiques et politiques de ce siècle, font de lui un philosophe de référence dans la compréhension du monde occidental. (note p358)"

 

COMMENTAIRE : Garaudy

 

L'auteur du livre négationniste " Les mythes fondateurs de la politique israélienne", comprenant un chapitre sur le "mythe des six millions", cité comme philosophe de référence : chacun appréciera. L'ouvrage, interdit en France en application de la loi Gayssot, est pourtant facile à trouver en France, à coté d'ouvrages islamistes.

 

 

"Conclusion

 

Rien en Islam ne s'oppose à la modernité (...) les penseurs ou les ulémas (savants) musulmans qui s'opposent à cette notion, (...) font une confusion entre modernité et occidentalisation. (...)

- Être croyants et pragmatiques, c'est là, la première des libérations souhaitées (...) L'allié objectif des dictateurs et de l'ordre mondial imposé par les États-Unis est la minorité radicale des mouvements islamistes ; leur présence justifie toutes les répressions, tous les dénis de liberté. La tendance intellectuellement ouverte, politiquement légaliste et majoritaire, est celle que l'on craint le plus parce qu'elle s'oppose de façon pensée, convaincue, et raisonnable aux terrorismes des États et à l'ordre du monde qui les justifie.

- La deuxième libération (...) doit permettre de nous désenchaîner des mirages de la technologie occidentale et de l'idéologie moderniste qui la sous-tend, ne doit pas confiner au rejet crispé d'un Occident désormais diabolisé, par réaction.  (...) la modernité islamique pourra éviter la crise que traverse aujourd'hui l'Occident dont le processus de modernisation a fini par tout instrumentaliser : ici, trop de moyens ont dissous la conscience des finalités et l'on se trouve à souffrir de l'individualisme, de l'exclusion, du scientisme aveugle ainsi que de la croissance et du rendement sauvages. (...). À l'image de cette science « qui ruine l'âme » si la conscience se meurt. La modernité de l'islam met le principe avant l'outil, l'orientation avant la limite, la conscience des fins avant le constat des catastrophes.

- La troisième libération est de cet ordre, et elle est essentielle. (...) En islam, l'aspiration vers la transcendance est originelle, naturelle : elle participe de l'être au point de qualifier d'aveugle ou de sourd celui qui ne vit pas la foi. (...) l'Occident pourrait gagner à chercher - et à trouver - dans ses propres références religieuses et culturelles les moyens de réagir à la triste dérive économiste et technicienne à laquelle nous assistons. (...) l'avenir dépend de notre engagement présent notre spiritualité quotidienne doit se nourrir de l'exigence de justice. C'est là l'ultime libération qui fonde les fraternités : être avec Dieu, vivre avec les hommes."

 

COMMENTAIRE : la ruine de l'âme des occidentaux

 

La conclusion du livre est si insultante, si arrogante envers l'Occident, qu'elle en devient ridicule.

La civilisation occidentale manque d'un sens de direction, dit en substance Ramadan, et de montrer les horreurs économiques et autres qui en découlent. Rappelons les propos d'un intégriste pakistanais cité par Latifa Ben Mansour : " La civilisation occidentale moderne manque d'un sens de direction. Elle est pourrie" (voir chapitre Algérie).

Les sociétés occidentales ont inscrit leurs finalités dans les déclarations des droits fondamentaux, confondre fins et transcendance est absurde, la finalité des sociétés occidentales est humaine, sans exclure celles et ceux qui croient, des chanteurs de rock y demandent "and if god was one of us ?" .... Il est de tradition européenne de "chasser" même dieu, lorsqu'il apparait "infâme"vis à vis des humains ("Chassez l'infâme disait Voltaire), cela s'appelle humanisme, un mot qui parait il (selon M.Arkoun) n'existe pas en arabe. Où aurait-on vu qu'il soit digne de croyants, ou d'autres, de se valoriser en dénigrant l'autre ?

 


 

TARIQ RAMADAN

AUX SOURCES DU RENOUVEAU MUSULMAN

D'AL-AFGHANI A HASSAN AL-BANNA, UN SIECLE DE REFORMISME ISLAMIQUE

Préface d'Alain Gresh, rédacteur en chef du Monde Diplomatique

 

Dans cet ouvrage, Tariq Ramadan se fait le biographe et laudateur de son grand-père, Hassan el-Banna. Il explique sa conception de l'Etat islamique. Il mentionne l'existence des 50 demandes des Frères musulmans (dont la liste est donnée dans le Dictionnaire mondial de l'islamisme, voir après l'interview de Antoine Sfeir).

 

Il cite son grand-père :

"« Le pouvoir de guider le monde fut, à une époque, totalement oriental. Après l'apparition de la civilisation gréco-romaine, ce pouvoir fut occidental. Puis celui-ci fut à nouveau transféré en Orient avec les révélations faites à Moïse, à Jésus et à Muhammad. L'Orient a vécu son déclin et l'Occident a réalisé sa renaissance contemporaine. Telle est la loi divine qui ne se modifie pas et, ainsi, l'Occident a hérité de la direction du monde. Or, voici cet Occident qui agit injustement, qui oppresse, qui transgresse, qui hésite et qui se débat. Il ne reste plus, à cette direction, qu'à passer dans des mains "orientales", fortes, tenant très haut, et sous la protection de Dieu, l'étendard du Coran, tout en étant nourris par une foi et une crainte révérencielles, profondes et intenses [...]. Il ne s'agit pas là d'une quelconque illusion, il s'agit bien plutôt d'une loi de la nature et, si cela ne se réalise de notre vivant, alors "Dieu viendra bientôt avec un peuple qui l'aime et qu'Il aime, [ses membres seront] doux avec les croyants, sévères avec ceux qui ne croient pas; ils lutteront dans la voie de Dieu et ils ne craindront le reproche de quiconque."

 

Le plus étonnant est de lire la préface de Alain Gresh, que Tariq Ramadan remercie pour son amitié.

Alain Gresh se demande par exemple si Sayyid Qutb ( un Frère musulman dont la pensée est exposée par Ramadan,  voir à son sujet, le Dictionnaire mondial de l'islamisme d'Antoine Sfeir) "qui a été plus loin dans la recherche d'un "socialisme islamique, se situe dans la continuité d'Al-Banna" ...

 

Laissons Michel Abitbol resituer le problème[2] :

"Maître à penser incontesté de l'intégrisme islamiste, l'Egyp­tien Sayyid Qutb - pendu par Nasser en 1966 - a laissé une oeuvre théologique impressionnante dont l'un des opuscules porte le titre de Notre lutte contre les Juifs. Rédigé au cours des années 1950, cet ouvrage a été réédité, au début des années 70, par les soins du Saoudien Zayn a1-Abidin al-Rakkabi, qui, le plus naturellement du monde, a ajouté au texte original suffi­samment sulfureux de l'exégète égyptien des notes infrapaginales et des citations extraites des Protocoles des Sages de Sion comme preuves irréfutables des thèses de Sayyid Qutb.  

 

COMMENTAIRE : SYNTHESE A PROPOS DES ECRITS DE  TARIQ RAMADAN

 

1 - "le Coran est notre constitution" :

Nous avons vu que cela signifie que pour Tariq Ramadan, le Coran est la norme suprème, supérieure à toutes les lois humaines. Ceci n'empêche pas que des aménagements de détail soient discutables, le coran n'ayant pas tout prévu. Tariq Ramadan nomme démocratie le fait de discuter de ces points secondaires.  Par contre, il est hors de question pour lui d'envisager une quelconque atteinte aux règles du coran lorsqu'elles sont claires. Ainsi, même s'il minimise au maximum la violence du paragraphe relatif au droit des hommes de battre leur femme, il ne le remet pas en cause.

Son alliée, Lambaret ( voir ci après) va jusqu'à justifier les coups par l'hystérie des femmes...

Dounia Bouzar, son admiratrice fervente, (voir ci après) justifie tous les changements à obtenir des familles des jeunes dont elle s'occupe, en indiquant qu'ils sont conformes au Coran. Nulle part elle ne parle de changements qui pourraient s'avérer utiles et qui ne seraient pas conformes, nulle part elle n'envisage cette possibilité.

Les enseignements de Tariq Ramadan sont totalement cohérent avec les appels du conseil européen de la fatwa à militer pour instaurer le statut personnel musulman en Europe, et même, dans un "horizon immense" à instaurer la charia afin qu'en rien, les musulmans d'Occident ne soient contraints de la violer.

 

2 - Le mépris de l'Occident :

Tariq Ramadan a des propos qui mériteraient, si l'on appliquait des législations européennes sur le blasphème et les atteintes aux sentiments, qu'on lui intente un procès en diffamation de l'Occident, sinon en racisme envers les Occidentaux et Occidentales...  Certes, il les tempère en disant qu'il n'y a pas que du mauvais en Occident, l'image générale qui ressort de ses propos est très insultante.

Le principal crime moral de Tariq Ramadan à notre sens, est d'inculquer aux jeunes issus de l'immigration, et à leur famille, d'une part l'idée que l'Occident porte atteinte à, dénie, leur identité, et d'autre part, l'idée qu'ils doivent ne rien concéder de leur identité. Ces idées ne peuvent que générer peur et rejet, ce sont de véritables crimes contre la paix sociale, contre la vie ensemble.

O bien sûr il n'y a aucune incitation à la violence physique,  (les attentats islamistes sont certes clairement dénoncés et à plusieurs reprises) ni à la désobéissance, Tariq Ramadan, dans la suite de ce qu'il décrit des idées de son grand père, veut convaincre. Mais quelle violence morale dans cette persuasion ...

 

3 - Les procédés déloyaux :

Déstabilisation du lecteur, par l'insinuation qu'il ne comprendrait pas, qu'il serait violent en utilisant ses propres concepts "occidentaux", brouillages par la longueur des développements entre la question et la réponse directe à cette question, et malgré ces longueurs, des omissions dont on peut juger qu'elles finissent par être mensongères.  Quand on est vraiment fier de ce que l'on pense, on l'indique en gros et gras, on le met clairement en évidence...

Tariq Ramadan pratique une forme de manipulation. Cette manipulation se pare sans doute dans son esprit des vertus de la "pédagogie", sur le modèle qu'il invoque de Mahomet. A notre sens, elle évoque plutôt le mépris qu'ont les totalitaires et les méthodes des sectes. Il n'empêche que si l'on fait quelque effort, on trouve la théorie complète de Tariq Ramadan et de ses amis : ils disent ce qu'ils veulent, ils énoncent leur projet. Ce ne serait pas de leur faute si les politiques et militants ne se donnaient pas la peine de lire ...

 

4 - Le totalitarisme :

Le problème principal de sa pensée, est qu'elle contient les bases d'un "système totalitaire" (pour reprendre l'expression de Hannah Arendt), qu'elle pousse, (qu'il en ait conscience ou pas, et ce n'est pas le véritable problème) au totalitarisme, à l'insurrection (pour sortir de la "minorité").

La fusion des esprits dans la "pensée Allah-Mahomet", telle qu'elle apparait dans les descriptions "idéales" de Tariq Ramadan et de ses "amis" cités ci dessus, rappelle exactement le système de la Chine de la "pensée Mao". La similitude entre la rééducation des prisonniers et le contrôle des citoyens chinois, et la repentance et le contrôle des citoyen-nes iraniennes est frappante. (Elle ne frappera peut être pas les ex-maoistes qui n' ont pas pris la peine de lire la "littérature des blessés" des Chinois ...). La dimension métaphysique de l'islamisme la rend peut être plus dangereuse encore : la rééducation échoue si le prisonnier meurt, mais tuer le mécréant peut sauver son âme...

 

On ne peut certes pas reprocher à quiconque de vouloir faire accepter, sans violence physique, par la démocratie, répétons le, un système conforme à sa conception morale. Mais on peut critiquer le contenu de son discours et montrer ses conséquences. On peut aussi juger qu'il est du devoir de l'Etat, et de ses fonctionnaires, d'interdire certaines manifestations prosélytes, des manifestations d'adhésion qui, elles, sont des phénomènes de rapport de force.  Au nom du droit qu'a la démocratie d'empêcher les actions visant à la détruire (cf chapitre sur le droit international).

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[1]  Acte sud 2000, 2002

[2]  Le passé d'une discorde Juifs et Arabes depuis le VIIeme siècle, Editions Perrin,  1999 et 2003.