Cercle d'Etude de Réformes Féministes

 

Face aux obscurantismes (l'islamiste et les autres) : le Devoir de Liberté

 

Philosophie du droit des femmes

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LA LAICITE POUR LA DEMOCRATIE

 

 

 

LA LOI HUMAINE L'EMPORTE SUR LA LOI DIVINE

 

La laïcité en démocratie signifie avant tout, que la loi de la République est la loi humaine décidée dans le cadre démocratique, et non une loi religieuse ou idéologique quelconque. La laïcité signifie donc, non pas l’égalité entre religion et démocratie, mais la soumission des religions, des prétendues lois divines,  à la loi humaine.

La laïcité n’est pas synonyme d’égalité entre les religions, comme semblent le croire des juristes actuels.

La laïcité ne « respecte » aucune religion, elle s’autorise à soumettre toute religion à la loi humaine sans s’inquiéter à cet égard d’aucun « blasphème » allégué.

Elle respecte uniquement les individus qu’elle s’interdit de persécuter en raison de leurs intimes convictions religieuses.

 

 

LA LAICITE COMME CONDITION DE LA DEMOCRATIE

 

La démocratie est le contraire de l’enfermement. La démocratie part de l'agora et non du livre.

La laïcité est le contraire de l’enfermement.

La laïcité permet que tout ABSOLUMENT TOUT soit discuté, conteste, remis en cause et en DOUTE.

Elle est la protection par l’autorité publique, des individus contre l’enfermement dans une doctrine théologique.

La laïcité n’est pas un athéisme militant, pas une lutte contre dieu et son idée, l'athéisme peut être considéré comme une idéologie, un dogme, une sorte de religion comme une autre, la laïcité n'est pas "une religion comme une autre". La laïcité est une lutte contre l’imposition de l’idée de dieu à la cité.

La laïcité est donc la substance même de l’idée démocratique, l’idée grecque géniale de l’agora, la seule qui permet au peuple d’échapper aux tyrans de la révélation, qu’ils soient organisés en clergés ou qu’ils ne le soient pas.

Elle créée, elle préserve, un espace libre de toute conviction donnée comme a priori indiscutable, pour permettre la libre discussion.

La laicité est la condition de la démocratie.

 

 

MISE EN SOURDINE DES RELIGIONS

 

La laïcité est incompatible avec la théocratie, elle n'est pas incompatible avec les religions, les croyances, les fois. A condition que la foi ne pose pas la référence à la révélation comme première dans le processus d’élaboration de la loi.

A condition que cette foi ait la modestie de croire quelque chose, comme le fait que la révélation qu’ils connaissent n’inclut pas tout le dessein d’un dieu pour l’humanité et que les autres humains, croyants ou non, sont également porteurs d’une vérité d’ordre divin.

La laïcité considère le citoyen comme être raisonnable pensant par lui ou elle même. Elle n'interdit aucune référence à la pensée, bien au contraire, mais elle dit : pas d'argument d’autorité de la religion, pas d’argument tiré de citations pures et simples de telle ou telle religion. Il n’est pas interdit de citer la bible, il est interdit de la brandir en pleine assemblée pour manifester comme irréfutable la parole donnée comme issue d'une révélation.

La laïcité consiste à dire : dis moi, ce que tu penses, toi, citoyen-ne, individu pensant, raisonnant, quel que soit les ingrédients de ta pensée, quelle que soient tes lectures, toi, personne, individu, autonome, qu’en penses tu, que veux tu, d'où que te viennent tes idées, quelles sont elles et quels sont tes arguments pour les juger valables ?

 

La laïcité exige dans une certaine mesure, un écrasement des religions.

La démocratie exige qu’il existe « une agora », un espace et un temps, un langage, communs, libres de toute religion, dans lequel chacun-e des citoyen-nes pourront partager leurs réflexions personnelles sur le bien commun, discuter la loi commune.

La démocratie suppose qu’il existe entre les individu-e-s, une égalité fondamentale, indépendamment de leurs croyances, ce qui est en opposition fondamentale avec la vision religieuse qui valorise les bons croyants.

La démocratie suppose qu’il existe une identité fondamentale entre toutes les personnes humaines, un fond commun prééminent sur les différences, qui permettra de trouver un « bien commun » satisfaisant pour toutes et tous, ce qui est en contradiction fondamentale avec la division dans des identités religieuses ou communautaires figées.

 

Dans une démocratie, il faut appliquer le plus rigoureusement le principe de séparation du politique et du religieux :

Humain-e, citoyen-ne en public,  athée ou religieux : en privé

 

Dans son for intérieur, chacun-e peut alimenter sa réflexion à ses sources, pensées, philosophies de prédilection, mais en public, il convient de soumettre ses idées au débat commun, écouter les arguments et concepts des autres, sans enfermer ce débat à priori dans un cadre religieux quelconque.  

La laïcité exige de mettre la religion en sourdine pour que l'on s'entende.

En privé, en son for intérieur, le principe de liberté de conscience permet à toute personne de croire et de dire que les ou des principes républicains sont contraires à la loi divine. Mais en public, dans les actes, toute personne doit se conformer à la loi de la république.

 

En son for intérieur, chacun-e peut croire que les femmes seraient inférieures aux hommes et qu’un dieu le voudrait ainsi. Quasi toutes les religions actuelles dénient l’égalité des sexes, et la liberté des femmes de choisir un rôle qui ne soit pas « complémentaire » de celui de l’homme … En tant que féministes, nous n’avons aucun  respect d’aucune sorte pour ces conceptions qui nous humilient, qui nous traitent comme tout sauf des « êtres égales en dignité et en droit, douées de raison …».

La loi, en Europe, est l’égalité des sexes. Les religions doivent s’y soumettre ou s’écraser.

 

La laïcité à la française n'est pas si opposée que cela à celle des autre pays européens. Eux aussi ont cessé de faire prévaloir le religieux sur le parlementaire et permettent aux religions d'exister en dehors du politique direct. Partout la religion ressort pour l'essentiel du privé, et la loi est élaborée a part entre gens ayant des convictions différentes.

Les systèmes européens donnent moins de garantie que le système français à la laïcité, ils ne libèrent pas ou moins le politique du problème du financement du religieux, ils maintiennent la notion de blasphème. Mais l'état d'esprit qui préside à l'application des droits des religions est le même, et c'est celui ci qui prévaut. Le financement public est maintenu par tradition, mais ne débouche pas sur la prééminence d'une église, ou si c'est le cas, c'est juste comme symbole historique : l'église anglicane et la reine ont la même influence sur la politique anglaise, c'est à dire néant. Quant aux règles sur le blasphème, elles relèvent plus d'une règle de politesse et de paix publique entre concitoyens que d'un point de vue religieux à proprement parler.

 

 

LES OBLIGATIONS DES CROYANTS

 

Chacun est responsable de ce qu’il fait. Donc de qu'il fait au nom de sa vision de sa religion.

L'Etat démocratique abolit l'"opium du peuple" qu'est, que peut être, la religion. Les citoyens sont considérés comme des adultes, raisonnables, responsables.

L'Etat demande des comptes, non pas à la religion, ni à un dieu (?), mais aux individus qui font partie de telle ou telle religion, aux pratiquants qui s'en réclament, chacun d'eux pour ce qu'il a fait.

La religion n'est ni une raison, ni une excuse. Chacun est responsable de ce qu’il en fait.

L'Etat n'entre pas dans les considérations religieuses, ne se fait pas théologien, du moins, pour répondre à la question de savoir ce que dirait ou non telle ou telle religion. Cette question n'est pas de sa responsabilité, elle est de celle des citoyens qui se pensent croyants.

 

 

LE DROIT D'INTERPRETATION DES RELIGIONS

 

Cependant, la laïcité n'impose pas à l'Etat un aveuglement sur les religions.

La laïcité interdit seulement à  l'Etat de se faire théologien "d'autorité" : L'Etat n'a pas à dire l'essence; la vérité d'une religion, à légiférer concernant le dogme. Seuls les croyants sont juges, énonciateurs du dogme, et soumis à ce dogme si cela leur chante.

 

Mais par contre, l'Etat, le parlement, le gouvernement, en tant que responsables de la cité, sont en doit d'interpréter la religion ou plutôt le sens qui lui est donné, afin de contrôler les conséquences de la religion sur les citoyen-nes et sur les institutions de l'Etat.

L'Etat a le droit de chercher à comprendre le sens donné à telles ou telles pratiques ou discours des croyants, le sens qu'ils ont pour ceux qui les perçoivent, qui les entendent, qui les subissent ...

La laïcité n'interdit pas aux autorités la recherche du sens, sur la base d'études de sociologie religieuse , d'études théologiques etc...

Au contraire, l'Etat a le devoir, le juge a l'obligation de faire ces analyses, d'être théologien "de connaissance", sociologue de la religion, pour comprendre les conséquences sociales, des discours et phénomènes religieux, pour assumer son rôle de protecteur des libertés.

 

 

DROIT ET MORALE

 

La laïcité correspond à la distinction du droit et de la morale.

 

Pour les croyants qui considèrent un texte révélé comme unique source de loi, cette distinction ne se conçoit pas, le vote d’une loi ne se conçoit pas...

Pour d'autres, la prétention de la religion est seulement de dire la morale, le bien, les bases d'une loi juste.

  

Dans une démocratie, le droit est la réflexion sur les règles communes, sur des bases idéologiques et morales, éventuellement avec une références à des idées venues de la réflexion religieuse, mais SANS S’ENFERMER dans aucune d’entres elles en particulier.

 

Le droit et la morale sont liés mais ils ne sont pas confondus, l'idée d'une morale universelle existe, mais elle est une recherche infinie, elle se cherche à travers différentes philosophies et religions, dans une démocratie, nul n'est présumé la connaître[1].

Le droit est un fait positif, une conclusion temporaire de la recherche de la morale, mais d’une morale composée à plusieurs voix, à plusieurs voix individuelles, et non, comme le veulent les religieux, à partir d’un seul livre, d’une seule vie de bouddha ou autre.

 

La morale ne se confond pas avec le droit parce qu’elle ne se permet pas d’inquisition dans les consciences. Certes, le droit pénal tient compte des intentions, y compris des intentions de nuire, mais pas des pures intentions non matérialisées par des actes ou des paroles concrètes.  La pure intention de mal faire, ou de ne pas croire, peuvent être des péchés mais pas des infractions.

Le droit s'arrête, se freine, les juristes s'inquiètent quand la volonté d'empêcher des fautes entraînant des dommages pour les autres, obligerait à une trop grande inquisition dans la pensée des êtres.

D'où ses hésitations devant les maltraitances morales et sexuelles. Le for intime est trop proche, il y faudrait des incursions trop fortes pour savoir s'il y a eu ou non, faute. La loi s'arrête aux actes, aux manifestations, aux éléments extérieurs, permettant, par l'extérieur, de déterminer les objectifs matériels, et parfois, avec prudence, psychologiques.

Parfois, considérant le mal fait, le mal qui aurait pu être évité, on le regrette. Mais ici le mieux risque de devenir l'ennemi du bien.

 

L'interdit fait au droit d'entrer dans les consciences constitue un progrès considérable indubitable, dans le respect du quant à soi, de la séparation entre les êtres, de l’autonomie de la constitution de l’individu, de la possibilité qui lui est donnée, d’utiliser en toute liberté d’esprit, sa conscience, sa faculté de réflexion, son intelligence, sa pensée, avant l’action.

Elle n'est pourtant pas encore acquise, en particulier envers les femmes. Quand on condamne la prostitution, c'est à dire quand on condamne le fait de faire l'amour pour de l'argent, fait qui ne nuit strictement à personne, que condamne t on, sinon une intention jugée mauvaise ? La condamnation de la vénalité -des femmes-, (pour certains qui oublient combien ils exploitent les femmes, c'est presque un pléonasme) est un pur procès d'intention : comment juger de la sincérité d'un désir, d'un amour, comment juger si telle ou telle n'agit que pour l'argent, sinon en cherchant à entrer dans son psychisme ?

 

Avant d’avoir une conscience ou une conviction, encore faut il avoir réfléchi librement et individuellement, dans un espace préservé. avant toute liberté de conscience, c’est donc cette liberté de l’esprit, de pensée qui est la liberté fondamentale de l’être humain. Elle est aussi la condition fondamentale d’exercice de sa responsabilité d’être doué de raison.

 

 

 

 

LAICITE & FAUSSE LAICITE

 

La laïcité consiste donc à faire de la religion à la fois une liberté d'opinion et une affaire privée, privée car libre.

L'absence de financement de la religion par l'Etat signifie que la religion n'est pas une fonction de l'Etat. L'absence de financement étatique est la garantie de l'indépendance des religions par rapport à l'Etat.

La liberté religieuse n'a besoin pour exister, que de la non intervention de l’Etat.

Du moins, l'intervention de l'Etat se bornera à assurer que "nul ne sera inquiété pour ses opinions" et que "leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi".

 

Les textes révolutionnaires, dont s'inspire la loi de 1905, exposent clairement le raisonnement :

 

Déclaration de 1789 Article 10 :

Nul ne doit être inquiété pour se opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi.

 

Constitution du 5 fructidor an III -22 aout 1795, article 354 :

Nul ne peut être empêché d’exercer, en se conformant aux lois, le culte qu’il a choisi.

Nul ne peut être forcé de contribuer aux dépenses d’aucun culte, la République n’en salarie aucun.

 

Neutralité n'a jamais signifié abstention totale.

L'état laïc, dans un rôle de justice et de police, veille à d'empêcher que les citoyennes soient brimés pour leur foi, ou que les manifestations religieuses des uns ne trouble la vie des autres, dans le respect du  principe d'égalité entre non croyants et croyants de diverses foi.

Ce rôle suppose que l'Etat connaisse suffisamment les religions pour comprendre si les manifestations peuvent ou non troubler l'ordre public établi par la loi, ou ce que les croyants peuvent ressentir comme brimade.

 

Selon cette conception :

A part l'entretien de monuments historiques du patrimoine national, l'Etat n'a pas à financer quoi que ce soit qui se rapporte au culte[2].

A part l'enseignement en cours d'histoire, des aspects religieux des évènements historiques, à part, en philosophie, l'enseignements des "opinions même religieuses", ), à part l'enseignement de l'art "religieux" parmi les autres arts, l'Etat n'a pas à financer quoi que ce soit qui se rapporte à la diffusion des idées religieuses.

 

Aujourd'hui, cette neutralité est dénoncée comme un manquement de l'Etat.

Le respect du "droit à la religion" obligerait l'Etat à une aide aux religions, dans le respect de l’égalité entre elles.

Il faut bien comprendre la portée de cette revendication d'une "laïcité positive" ou "interventionniste".

Ce que les critiques de la laïcité neutre revendiquent c'est que l'Etat aide à prier. Que la religion devienne une fonction d'Etat en France, soit reconnu comme un droit, un besoin fondamental des citoyen-nes. La laïcité consisterait pour l'Etat à ne pas choisir entre les religions.

Il ne s'agit pas d'une nouvelle conception de laïcité, il s'agit du refus de la laïcité.

 

La fausse laïcité repose une conception de la religion comme besoin fondamental de l'être humain, et non pas comme une opinion.  Elle conçoit la liberté d'opinion "y compris religieuse" comme droit à assouvir ce besoin religieux fondamental. Dans une logique d'assistanat, elle en déduit l'obligation de l'Etat d'assurer un minimum religion.

La fausse laïcité est en réalité un déisme, teinté de "charité chrétienne".

 

 

RELIGION BARBARE ET POUVOIR TOTALITAIRE : L'EMPIRE AZTEQUE[3]

 

Au XVIIIeme siècle, Voltaire en appelait à chasser l'infâme, à cause du supplice d'un chevalier "blasphémateur".

Au XVIeme siècle, l'empire Aztèque continue[4] à faire des sacrifices humains en masse : victimes tuées en haut des temples, en leur arrachant le coeur, puis mangées.

 

Explication religieuse : les dieux sont mortels, il faut les nourrir de sang pour retarder la fin du cosmos.

 

" Il faut bien essayer de comprendre, et pour cela, je ne vois pas d'autre moyen que d'échapper autant que faire se peut au champ de gravitation de notre propre civilisation pour nous placer dans l'univers mental de l'antiquité mexicaine.

Ce qui domine cet univers, ce qui pénètre toute sa conception des choses et de l'homme, c'est l'idée que la machinerie du monde, le mouvement du soleil, la succession des saisons, ne peuvent se maintenir et durer qu'en se nourrissant de l'énergie vitale que recèle l'« eau précieuse », chalchiuatl, c'est-à-dire le sang humain. [...]

Ainsi, c'est une idée, poussée rigoureusement jusqu'à ses conséquences les plus extrêmes et (pour nous) monstrueuses, avec une logique parfaitement cohérente, qui a conduit à ce paroxysme sanglant une civilisation qui ne reposait pas sur une base psychologique plus inhumaine et plus cruelle que d'autres. Ce que notre analyse ne peut atteindre, c'est le lien, apparemment évident et indiscutable pour les peuples du Mexique tardif, entre la continuité des phénomènes naturels et l'offrande du sang. Nous sommes obligés de considérer cette notion comme une donnée, au même titre que la forme de la maison, l'ornement ou le vêtement qui caractérisent une culture et non une autre, ou le choix des phonèmes qui sont utilisés par un langage et non par son voisin. Elle n'est affectée d'aucune nécessité : c'est seulement une des très nombreuses manières dont l'homme, devant les mystères de son propre destin, peut chercher à se les représenter pour tirer de cette vision une règle d'action. Tout ce que nous pouvons dire, c'est qu'à partir d'une certaine époque, certains peuples ont choisi cette Weltanschauung parmi toutes celles qui étaient possibles alors que les peuples de la phase précédente, ceux de Teotihuacàn et de Palenque, en avaient choisi une autre. [...]

II serait évidemment dérisoire de vouloir expliquer de telles « superstructures », à la façon marxiste, par des « infrastructures » économiques et sociales.[5]"

 

Jacques Soustelle parle ici de "choix", de choix libre, non déterminé par le social et l'économique, choix d'une Weltanschauung  (conception du monde) par un peuple. Le mot allemand de "Weltanschauung", référence au nazisme, est là pour souligner la responsabilité des peuples. Jacques Soustelle ne nous demande pas de "changer d'univers mental" pour excuser ce choix, mais pour en comprendre le contenu.

 

Explication politique : la lutte pour l'espace vital exige la conquête, le sacrifice humain des vaincus est un instrument de la terreur d'Etat.

 

" Pour toutes ces populations d'immigrants d'origine nordique, la lutte pour l'espace vital doit se mener sur deux fronts (...) Le sacrifice humain, qui est un appendice de la guerre érigée en système, en deviendra tout naturellement la valorisation et la justification idéologique."[6]

" Le sacrifice humain est aussi un instrument de gouvernement, qui soutient une politique de terreur , tout en permettant d'éliminer physiquement les vaincus les plus dangereux."[7]

 

La religion n'est que l'habillage idéologique d'une politique de "Lebesraum", espace vital : le choix "culturel" est non seulement barbare, mais intéressé.

 

Pour respecter une religion, encore faut il qu'elle soit respectable.

Pour respecter le choix des croyants, d'adopter telle ou telle religion ou variante d'une religion, encore faut il que ce choix soit respectable.

 

 

BLASPHEME, INJURE & APTITUDE A LA DEMOCRATIE

 

La liberté de critiquer les religions est au coeur de la liberté de penser.

Y porter atteinte sous prétexte de défendre les « sentiments » religieux de tel ou tel apparaît comme gravissime.

 

En Europe, la législation sur le blasphème existe en dehors de la France et de la Belgique.

On peut l'expliquer par la persistance de la tradition.

On peut y voir la simple institutionnalisation d'une forme de politesse, analogue à la répression de l'injure : "exprimez vous, mais ne blessez pas lorsque ce n'est pas nécessaire au débat".

 

L'arrêt Otto Preminger parle d'une " obligation d'éviter autant que possible les expressions gratuitement offensive contre les autres, et par là portant atteinte à leurs droits, et qui ne contribuent à aucune forme de débat public capable de faire progresser les affaires humaines"[8].

 

Des législations européennes prévoient l'atteinte à d'autres croyances que religieuse : la laïcité serait ainsi préservée.

 

Cette sollicitude est inquiétante.

Elle correspond à une conception de l'être humain comme étant trop fragile pour supporter des remises en causes purement verbales de ses opinions.

La personne humaine est raisonnable, mais pas assez pour que son psychisme ne risque d'être mis en péril par des mots...

Si seule l'injure était en cause, alors on pourrait comprendre : en effet, l'injure étant sans argument, n'apporte rien au débat. Mais la répression du blasphème et de l'atteinte aux sentiments et croyance ne visent justement pas seulement l'injure, elle s'ajoute à la répression de l'injure.

 

La répression de l'injure se justifie dans la mesure où elle peut être le premier acte du lynchage.

L'injure n'est pas mortelle, mais le harcèlement par des injures est effectivement un acte physique et psychique, fait pour faire monter l'angoisse, l'adrénaline. L'injure peut être l'appel des autres à lyncher.

Mais il y a aussi des injures qui ne sont que des défenses contre la maltraitance par la surdité : tu ne m'écoutes pas, tu refuse d'entendre le sens de ma parole, tu nie ma parole, tu me nies comme être parlant : je hurle.

 

Quand on compare la sensiblerie des législations européennes, à l'énergique arrêt Cantwell[9], on mesure la différence de conception de l'être humain entre USA et Europe.

 

" Dans le royaume de la foi religieuse, et dans celui de la croyance politique (...)  pour persuader les autres de son propre point de vue, le plaideur, comme nous le savons, recourt à l'exagération, au dénigrement d'hommes qui ont été, ou sont, des personnalités d' église ou d'Etat, et même, à la fausse affirmation. Mais le peuple de cette Nation ont décidé, à la lumière de l'histoire, que, en dépit de la probabilité d'excès et d'abus, ces libertés sont, dans un horizon long, essentielles à une opinion éclairée et à une juste conduite de la part des citoyens d'une démocratie. La caractéristique essentielle de ces libertés est que, sous leur bouclier, différents types de vie, caractère, opinion et croyance peuvent se développer, sans blessure et sans obstruction."

 

La violence verbale existe, bien sûr, dit la Cour suprême, mais "le peuple a décidé" que la liberté d'expression est essentielle, qu'elle est le "bouclier" sous lequel il est possible de vivre "sans blessure".

L'homo USA dit " j'encaisse, je suis, nous sommes, le bouclier des libertés de cette Nation". L'homo européen appelle maman, parce qu'on lui a dit de vilaines choses.

 

Le problème que pose la jurisprudence européenne est celui de savoir quels sont les "atteintes aux sentiments" correspondant à des arguments, et quels sont ceux qui n'en sont pas.  Les débats devront maintenant être arbitrés par des juges, qui autoriseront ou non, telle ou telle idée ou arguments, selon qu'ils ou elles les auront jugés pertinents ou pas.

Il s'agit d'instaurer une démocratie sous surveillance rapprochée.

 

Mais pire, il s'agit de remettre en cause la possibilité même de la démocratie.

Il faut mesurer la gravité de la conception de l'être humain que reflète la jurisprudence européenne.

Le dialogue démocratique suppose la critique, la démolition des arguments de l'autre, des actes de l'autre, il porte sans cesse atteinte à l'égo de l'autre, par ses critiques il porte sans cesse atteinte à la considération de l'autre, par les autres, et par lui-même. La démocratie ne serait elle donc que barbarie ?

Si l'être humain ne peut supporter les idées qui l'offensent, alors il est incapable d'endurer le dialogue démocratique.

 

Assurément, les promoteurs de la lutte contre la "diffamation religieuse" ont une réponse prête :

"parlons en dieu mes frères..."

 

 

 

 

 

 

"DIFFAMATION" RELIGIEUSE & DIFFAMATION RACISTE

 

Résumons l'évolution du droit de la "liberté religieuse"[10] :

Le blasphème, version européenne, c'est Pierre Desproges déclarant " dieu me tripote".

La diffamation religieuse, version ONU, c'est, selon le décret yéménite de 1905 : "Les juifs ne doivent pas ...

dire que la loi musulmane peut avoir un défaut " .... car ce serait le début d'un génocide.

 

La notion de "diffamation religieuse" est un cheval de Troie utilisé pour rétablir l'interdiction de la critique des religions. Elle joue sur la confusion pour assimiler cette critique à du racisme.

 

Le terme de diffamation religieuse[11] peut être entendu[12] en deux sens bien différents :

- La "diffamation" visant la religion ou un « dieu », qui est le blasphème contre dieu ou la critique de la religion,

- La diffamation visant les adeptes d’une religion, est une diffamation qui peut en effet mener à la haine envers les croyants. Lorsqu'une religion correspond à un peuple, lorsqu'un peuple, un groupe social, est identifié par son attachement réel ou pas, à une religion, elle peut mener à une haine raciste.

 

En France, le blasphème, la critique des religions n’est pas interdit[13].

Le texte de la loi de 1881 est bien clair : l’incitation à la haine par voie de pression envers des gens « en raison de leur religion » est interdite.

 

La critique d’une idéologie, d’idées, idées que représente la religion, qui est une idée comme une autre.

Dans une conception laïque, le blasphème (réprimé par tous les monothéismes) est une expression comme une autre, on ne peut même pas dire que le droit de "blasphémer" soit reconnu, c'est le blasphème lui-même que la démocratie s'interdit de (croire) reconnaître, elle refuse de le distinguer d'une opinion quelconque sur (l'idée de) de dieu , s'interdisant de dire si dieu existe ou ce que peut bien "être" dieu.

Le "respect" de "toutes les croyances" , formule sans doute très malheureuse de notre constitution, n'implique aucunement un jugement positif a priori sur ces croyances, mais seulement le respect du droit d'y croire, le respect a priori de la personne qui y croit. Le "respect" d'une personne n'implique pas le respect de ses croyances, que l'on est libre de juger imbéciles ou absurdes ou dangereuses.

Dans tous les cas, que la critique contre la religion soit fondée ou pas, on n'a absolument pas le droit d'appeler à la haine contre quiconque, d'inciter à des comportements illégaux envers des membres de telle ou telle secte.

 

La critique de personnes, la description de personnes ou d'un groupe de personne, de leur comportement, peut par contre relever de la diffamation et de l'incitation à la haine. Le fait de rattacher ce comportement à la religion d'un groupe, incite à la discrimination et à la violence envers ce groupe.

La diffamation implique un mensonge (ou dans le domaine de la vie privée une simple affirmation mensongère ou pas) attribuant des faits ou défauts "déshonorants", tendant à discréditer une personne, pouvant pousser à ne plus lui faire confiance ou à ne plus la respecter, à la "bannir" socialement dans les faits, est lui aussi puni.

On n'a donc pas le droit, d'affirmer des choses fausses au sujet d'une personne ou d'un groupe de personne, professant une foi.

On peut dire pis que pendre d'une croyance, à la condition (de moralité) d'argumenter ses propos. Mais on n'a pas le droit de le faire d'une manière qui jetterait l'opprobre sur les gens partageant cette croyance. Sauf à établir que l'adhésion à telle ou telle croyance conduit nécessairement, est indivisible, de telle ou telle action criminelle.

Dire que le satanisme est la croyance dans la valeur du mal et se manifeste par des sacrifices humains, conduit nécessairement à décrire ses adeptes comme des criminels potentiels, mais rien n'empêche de le dire, avec les précautions nécessaires, au vu des crimes commis effectivement.

Dire que les juifs font des sacrifices humains rituels est une diffamation et une incitation au pogrom.

On n'a pas le droit d'imputer à un groupe des défauts généraux, à travers une description de la religion qui tendrait à faire croire que tous les adeptes aient des idées dangereuses ou basses, alors que la preuve de l'adhésion générale à ces idées ne serait pas apportée : on n'a pas le droit de diffamer les membre d'une religion, et de pousser par là à la haine de ces adeptes. 

 

 

LA THEOCRATIE COMME BLASPHEME ?

 

Adoptons trois minute un esprit théologique.

Les théocrates prétendent savoir ce que veut dieu, ce qu'il dit, pour les autres, pour l'avenir...

Dire que l'on sait ce que dit dieu, se croire soi même capable de penser ce qu'un dieu infini a vraiment voulu signifier, n'est ce pas le pire des blasphèmes, n'est pas "invoquer en vain le nom ..." ? N'est ce pas se prendre pour l'infini que l'on n'est pas, devenir idolâtre, de la pire des idolâtrie, idolâtre de soi-même ? Les théocrates, imbus d'eux mêmes comme la grenouille qui se voulait boeuf, explosés d'orgueil, ne sont ils pas tous les pires des idolâtres ?

Si l'on a la simple modestie de penser que nul ne peut savoir ce qu'un dieu a voulu dire aux humains, alors on peut penser qu'au mieux, seuls tous les humains, de tous les temps, présent, passé et à venir, pourraient en avoir une idée. Alors on voit que la théocratie est un non-sens, et que seule peut être la démocratie pourrait permettre de s'approcher d'un semblant de vérité...

 

Les réflexions théologiques peuvent soit former au dialogue et à la réflexion, soit les fermer.

Il y a une exégèse qui "libère", qui ouvre, qui part de la lecture du primitif, de l'instinctif, de l'archaïque et qui le dévoile, le rend conscient comme un psychanalyse, qui montre dans l'histoire des peuples et dans la psyché de l'individu le fond animal qui revient à chaque génération, et l'évolution vers l'humanité.

La"pédagogie" ici, est celle qui part d'abord de la première idée, l'instinct pour montrer comment penser plus humainement.

Mais il y a aussi l'exégèse de la pédagogie noire, qui manipule, qui veut faire accepter progressivement l'inacceptable, reculer les barrages de l'individu, à force de manipulation, en utilisant la technique du "pied dans la porte", qui tend a montrer qu'une seule version est la vraie et qui ferme de plus en plus.

 

L'une peut être une source de pensée dans la démocratie, l'autre veut la tuer.

 

 

                                                                                                                             ELISSEIEVNA



[1]  Voir texte " Out Laws" dans la Revue du Cerf 1er trimestre 2001. 

[2]  Il est vrai que la loi de 1905 modifiée en 1942 a fait un compromis sur ce point, en autorisant la prise en charge publique du coût de l'entretien des bâtiments religieux : c'est une régression, le contribuable n'a pas à entretenir les lieux de culte autres qu'oeuvres d'art.

[3] Serge Gruzinski, Le destin brisé de l'empire Aztèque, Découverte Gallimard 1987, l'empire aztèque était dans l'actuel Mexique.

[4] la pratique aurait mille ans d'âge

[5] J. Soustelle, les Quatre Soleils, cité par Serge Gruzinski

[6]  Ch. Duverger L'origine des aztèques, cité par Serge Gruzinski

[7] Serge Gruzinski, Le destin brisé de l'empire Aztèque, Découverte Gallimard 1987

[8]  Voir chapitre sur le droit européen.

[9] idem

[10]  Voir les chapitres sur le droit de la religion.

[11] Il n’est sans doute pas indifférent de savoir que face aux attaques antisémites, qui ont mené aux attaques que l’on sait contre la population juive, les juifs américains ont créé une association nommée « anti-deaffamation leage ». La diffamation en cause correspond à tous les mensonges prêtant à la population juive des pratiques vampiresques ou autres actes malfaisants. C’est à dire à des mensonges ayant pour objet des comportements, et ayant (eu) pour effet d’inciter à la haine et à la violence envers les juifs. Il s’agit donc bien d’une diffamation raciste, appliqué à une population « identifiée » par la religion, et non pas, ou en tout pas essentiellement, d’une diffamation « religieuse ».

[12]  pour simplifier

[13]  voir le jugement de l'affaire Houllebecq dans le chapitre sur le droit français.