Catherine Kriegel

 

La psychanalyse a-t-elle un genre ?

 

 

De quel genre s’agit-il ?

La psychanalyse bien sûr a mauvais genre, ça, nous le

savons déjà, ce n’est pas ce dont nous allons

débattre.

 

Petit rappel concernant le concept de Genre :

La notion de genre est étrangère à l’œuvre de Freud. Freud s’intéressait à la sexualité, à la différence des sexes, mais il ne traitait pas de la notion d’identité. Ni genre, ni identité, encore moins identité de genre.

Les premières utilisations psychologiques de ce terme, se sont développées aux USA dans les années 1950, dans le cadre d’une recherche menée par un psychologue John Money concernant les enfants intersexués ou hermaphrodites. Il a montré que ces enfants se sentent appartenir au sexe dans lequel ils sont été élevés, quelque-soit leur formule chromosomique, et quelque-soit leur anatomie interne. En 1955, il propose la distinction entre le genre « gender » qui est psychosocial et le sexe qui est biologique.

(Notons en passant que le deuxième sexe est paru en 1949, ouvrage dans lequel Simone de Beauvoir a écrit cette fameuse phrase : « on ne naît pas femme, on le devient »).

La distinction sexe-genre sera reprise par le psychanalyste américain Robert Stoller, pour mieux appréhender les patients transsexuels. Stoller, qui a suivi plusieurs de ces patients, confirme cette hypothèse. Pour eux, le seul sexe qui compte, c’est celui dans lequel ils se sentent appartenir. Ils sont totalement convaincus d’être victimes d’une erreur de la nature et en demandent la réparation. Parallèlement, on découvre en anthropologique que le genre est inscrit dans la culture des Inuits. 

L’orientation sexuelle est un autre sujet, identité sexuelle et orientation sexuelle ne se superposent pas. Est-il besoin de le développer ici ? Ú

En français, en anglais, en allemand, le mot sexe a une double signification : il désigne l’organe sexuel et l’identité sexuée. Être sexué et avoir un sexe sont alors confondu. Castration et perte d’identité seront liées sémantiquement.

 

 

Petit historique :

Tiré en grande partie du livre de Sophie de Mijolla-Mellor : Les femmes dans l’Histoire de La Psychanalyse Ed. L’esprit du temps

 

1902 :1er groupe. 5 représentants, tous des hommes. La Première femme analyste n’assiste pas aux soirées de Mercredi.

Fondation de la Société Psychanalytique de Vienne.

1914 : 34 membres, 3 femmes et 31 hommes.

Admises après discussions au sein du groupe, comptant des détracteurs féroces. Arguments : les mêmes que ceux qui dénonçaient l’entrée des femmes à l’université. Elles ne sont pas faites pour la vie intellectuelle, leur influence sur les étudiants est négative, leur rôle est au foyer.

1930: en Europe : 25%

Des femmes dirigent des cliniques et des instituts d’enseignement. % + élevé de cliniciennes que chez les hommes

1950 : idem 25%

1970 : 50%

Apport important des femmes dans la modification de la théorie freudienne sur la féminité.

 

 

 

 

Sigmund Freud :

 

« Les femmes sont elles-mêmes l’énigme dont nous parlons »

La vie sexuelle PUF

 

Nous pouvons qualifier d’essentialiste, les orientations philosophiques de S.Freud. L’essence précède l’existence, et, c’est lui qui l’énonce : « L’anatomie, c’est le destin » Essentialiste, comme ses contemporains dans le domaine scientifique et médical. La sociologie, l’étude du milieu, de l’environnement en sont empreint dès le début.( CF Le Bon)

Voici comment Freud conçoit l’évolution psycho-sexuelle :

D’abord : la phase phallique pour le petit garçon et pour la petite fille, clitoridienne qui ignore le vagin.

En même temps, la théorie cloacale:la croyance en l’existence d’un seul orifice : l’anus d’où les enfants sont évacués...

Dans ce modèle, pas de différence : la petite fille est un petit garçon.

Lorsqu’elle prend conscience de sa castration, elle en veut à sa mère, elle s’en détourne et prend le père pour objet d’amour. Elle souhaite un enfant du père pour remplacer symboliquement le phallus châtré. Elle « glisse le long de ce qu’on ne peut appeler que l’équation symbolique : pénis= enfant » A l’adolescence, prise de conscience et investissement du vagin. Passage du clitoris au vagin.

P 130. « Tandis que le complexe d’Œdipe du garçon sombre sous l’effet du complexe de castration, celui de la petite fille est rendu possible et est introduit par le complexe de castration. »

131 : « Le motif de la destruction du complexe d’Œdipe chez la fille fait défaut « la fille en veut à sa mère de ne pas lui avoir donné de pénis ». « à la vue des organes génitaux de l’autre sexe… s’aperçoit immédiatement de la différence et en comprend aussi, il faut l’avouer, toute l’importance… l’envie du pénis s’empare d’elle, envie qui laissera dans son évolution, dans la formation de son caractère, des traces ineffaçables »

Ce postulat n’est pas sans rappeler le modèle biblique : La femme créée à partir de l’homme.

 

 


Freud bâtit ces hypothèses sur la sexualité féminine à partir de l’écoute des femmes hystériques auxquelles il consacre ses « Etudes sur l’hystérie ».

Ces femmes ont une pathologie qui se caractérise par la suggestibilité, et par les attitudes de séductions des hommes, associées à la dépendance à leur désir. A cette période historique, elles reflétaient le modèle stéréotypé des femmes soumises à ce que les hommes attendent d’elles.

 

Compte tenue de l’encrage anatomique de sa spéculation sur l’envie du pénis, Freud ne prend pas en compte la charge symbolique et culturelle associée à cette partie du corps.

 L’envie fonctionne dans les deux sexes : envier les privilèges d’autrui.

En avoir Un, s’associe  très tôt à des privilèges dont nous savons qu’ils imprègnent les cultures. Dans la distribution des rôles, par exemple, les bébés mâles ont une mère plus patiente et plus conciliante (exp. De la tétée + longue pour les garçons que pour les filles)

 

L’œuvre de Freud comporte de nombreux développements et utilise des concepts nouveaux et opérants dont la véracité et l’utilité se confirment avec le temps : l’inconscient, les pulsions, le narcissisme, l’idéal du Moi, le travail du deuil, les fantasmes etc.… L’approche et la compréhension de la vie psychique s’en trouvent enrichies et la thérapeutique qui en est issue ne se dément pas. Sauf lorsqu’il il est question des femmes.

Malheureusement maintenant encore, des analyste défendent ces positions crispées sur la passivité féminine, le passage de clitoris au vagin, le complexe de castration chez la femme etc… Mais ces théories sont abandonnées par beaucoup d’autres et  certains travaillent la  question de l’envie du féminin chez l’homme .   

S. Freud citant le continent noir a-t-il eu à ce moment conscience de ses égarements ? Peu probables, seulement conscient que les femmes sont les oubliées de l’histoire. Déjà pas mal pour cette époque.

 

 

Nous n’en dirons pas autant de J. Lacan :

 

Il revient en force aux conceptions les plus phallo-centristes de Freud, celles qui auraient du être abandonnées tant elles étaient dénoncées et paraissaient caduques à beaucoup d’analystes. Remis au goût du jour, magnifiés seront : le primat du phallus, le monisme sexuel qui consiste à référer les deux genres au seul sexe mâle, enjolivé de tournures sémantiques modernes, purifié sera le dit retour à Freud et à la thématique de castration appliquée aux deux sexes.

Dans ce registre, il va bien plus loin, non seulement, les femmes sont privées de leur fonction sexuelle, mais dans sa théorie, elle sont exclues de l’ordre symbolique.

Lacan fait du phallus un signifiant fondamental, le signifiant des signifiants : « ø », « auxquels peuvent être rapportés, comme à un équivalent commun ou à une sorte d’étalon ou d’archétype, tous les autres signifiants ». Claude Lévesque : Par-delà le masculin et le féminin.

« Pour autant que le passage à l’ordre symbolique est nécessaire, il faut toujours que, jusqu’à un certain le pénis ait été enlevé puis rendu ». (je souligne pénis pour ceux qui affirment que le phallus est un symbole qui ne désigne pas l’appendice anatomique)

La femme n’existe pas, elle ne se représente pas, il n’existe pas de signifiant du sexe féminin£. L’ordre symbolique est « androcentrique » dit-il, « c’est un fait, quelque chose dont l’usage symbolique est possible parce qu’il se voit, qu’il est érigé. De ce qui ne se voit pas, de ce qui est caché, il n’y a pas d’usage symbolique possible. » La relation d’objet Paris Seuil 1994.

Lacan ne se réfère pas seulement à la symbolique: le « destin anatomique » de Freud est repris, le phallus est représentant symbolique du pénis qui « lui sert littéralement d’instrument imaginaire pour appréhender ce qu ‘elle n’arrive pas à symboliser ». « Les psychoses » Seuil 1981

« Le sexe féminin a un caractère d’absence, de vide, de trou qui fait qu’il se trouve être moins désirable que le sexe masculin »

« Il n’y a de femme qu’exclue par la nature des choses qui est la nature des mots, et il faut bien dire que s’il y a quelque chose dont elles-même se plaignent assez pour l’instant, c’est bien de ça - simplement, elles ne savent pas ce qu’elles disent, c’est toute la différence entre elles et moi. Encore Ed. du seuil 1975 p 68

Les hommes sont « tout homme » et les femmes : « pas toute » : comme le remarque Claude Lévesque, l’Un l’a, l’Autre pas, on ne peut être que d’un côté ou de l’autre.

Pour René Major : elles en tireraient une jouissance supplémentaire. Fantasme connu du plus de jouissance de la jouissance sans fin, sans limite qui pourrait bien susciter de l’envie. Cet envie qui, comme l’entend M.Klein, conduit à détruire l’objet de convoitise à défaut de le posséder

L’homme est fonction phallique en tant qu’il est « tout homme »(…) Il n’y a pas de « toute femme »

Le rapport à la représentation phallique : « constituerait la matrice de désir sexuel », pour la femme, le rapport entre « la béance ineffable du réel de son propre manque » et le surgissement du signifiant.

 

Concernant la place du père dans la psychanalyse. Ne le jetons pas avec l’eau du bain. Le rôle d’un tiers dans la dyade première mère-enfant est indispensable. Classiquement, c’est le père qui remplit cette fonction séparatrice de la relation duelle symbiotique. On est cependant en droit de supposer que toute autre personne investie affectivement par la mère peut remplir cette fonction tierce.

Sans l’intervention du tiers, l’accès au langage, donc au symbolique n’est pas une évidence, l’utilisation du verbe dans la communication est elle nécessaire dans une relation symbiotique ? Sans doute pas, les échanges se passent de mots, ils s’expriment dans le sensoriel, le corps.

La socialisation de l’être humain nécessite cette rencontre avec le troisième sujet, lui même en relation avec le premier.

Elle lui permet de rencontrer d’autres sujets ensuite.  C’est cette triangulation que S. Freud a nommé Oedipienne  qui fonde le sujet social, parlant, susceptible d’établir des relations avec d’autres, différents.

Le terme de Castration (signifiant ablation des testicules mais désignant le pénis) est utilisé très souvent par les psychanalystes, chaque fois qu’il est question de la perte d’une partie de soi ou simplement son usage. Il s’agit du symbole ! uniquement du symbole disent les gardiens du temple du monisme sexiste. Puisque c’est valable pour les deux sexes, il n’y a pas de discrimination pensent-ils.  Toute perte catastrophique est ainsi référencée à celle du pénis.  Par ex: perdre l’usage de la parole sera facilement interprétée comme une castration, même s’il s’agit d’une femme. Comme si le pénis qu’elle ne possède pas et qu’elle n’a jamais eu était pour elle un organe plus investi que sa langue.

Cette symbolique là, qui référence tout manque, toute séparation à la problématique de la perte phantasmée du pénis exclue et nie les femmes, elle enferme cette psychanalyse qui s’y réfère sans distanciation, dans l’ignorance de la moitié de la population qu’elle prétend aider.

 

 

 

Les femmes psychanalystes

Dans l’ensemble, pour la plus part surtout au début, les analystes femmes se soumettent aux idées du fondateur. La théorie est dans son ensemble passionnante et révolutionnaire, les idées de Freud sur les femmes ne choquent personne, elles sont plutôt moins conformistes que les idées de ses contemporains.

Marie Bonaparte, fait du zèle. Elle va plus loin que le maître sur ce terrain.

Sa névrose et son masochisme s’expriment pleinement dans ses écrits. Elle n’a de cesse de vouloir à tout prix démontrer que le passage de la jouissance clitoridienne à la jouissance vaginale est indispensable et exclusif. Elle qualifie de frigides et viriles celles qui gardent une jouissance clitoridienne. Elle écrit même que ces femmes n’abandonnent pas l’organisation phallique et le remboîtement en l’attitude féminine passive, condition de la sensibilité vaginale n’a pas lieu. » : « Cette forme partielle de frigidité est à mon avis, non seulement la plus rebelle, mais encore la plus fréquente ».

Voici la normalité : p. 49

« La fille doit en effet…

« La fille passe définitivement à l’amour dominant du père…

 

M. Klein : (nommée « géniale tripière par Lacan)

(par ce qu’elle s’intéressait aux pulsions et aux représentations archaïques du corps chez l’enfant (oralité, analité).

Elle a remarqué que : « La psychologie de la femme n’a pas bénéficié dans la même mesure que celle de l’homme des recherches psychanalytiques » (La psychologie des enfants, chap. 11 p 209).

Selon elle, le Surmoi (instance morale) n’est pas l’héritier du complexe d’Œdipe. Il est plus précoce, donc pas nécessairement transmis par le père.

Les individus des deux sexes traversent les mêmes phases : schizo-paranoïde et dépressive.

La place du père n’est pas primordiale pour cette théoricienne qui traite avant tout de la relation mère-bébé, fondamentale dans la constitution du moi et du Surmoi.

 

Les lacaniennes sont timides, peu critiques du maître, à part Pierra Aulanier, qui a créé une théorie personnelle et a quitté l’école de Lacan pour fonder le 4e Groupe. Son Œuvre est  complexe, elle aide à la compréhension des pathologies graves et éclaire les origines du psychisme, égales pour les deux sexes. Des « pictogrammes » préfigurent une activité psychique archaïque, des représentations précoces mêlées, issues du sensible et du plaisir ressenti dans la relation à la mère. Le corps et les pulsions sont impliqués dans ces premières ébauches de représentations hallucinées ou réelles. L’idée rompt avec la théorie de J Lacan, pour qui tout signifiant s’inscrit dans la fonction symbolique du phallus et du nom du père dont il s’origine. Le symbolique s’origine à partir de ces « pictogrammes », formés lors de la relation originaire mère-enfant

 

F. Dolto

Il en va de la grande prêtresse de la psychanalyse comme il en va du grand maître.

Si Anna freud n’a jamais touché aux fondements de la théorie sexuelle infantile de son père vénéré, F. Dolto ne dérogera pas d’avantage à la parole de son maître, J .Lacan. Elle s’inscrira dans la droite ligne du mythe de la primauté du père et du phallus.

 

 

Le livre de Luce Irigaray : Speculum de l’autre sexe,

fait l’effet d’une bombe à sa sortie. Elle reprend une par une toutes les formulations phallocentristes de S.Freud.

Après cette remise en question pertinente, il apparaît que le ver est dans le fruit de la psychanalyse freudienne

Pourtant, les femme analystes, sensibilisée à cette question ne renoncent pas à cette discipline. Si le fruit est comestible, il faut juste en extraire le ver. C’est là notre propos.

 

Jacqueline Scheffer : L’horreur du féminin :

 

« La fascination et l’horreur du « féminin » renvoient à l’angoisse de la perte des limites. Horreur de son sexe amputé, « mais que son pénis à lui soit visible, limité, à cran d’arrêt, le protège de la terreur d’un trou sans fond, où il risquerait de disparaître tout entier ». L’horreur de la castration, celle du sexe féminin sont, selon elle, des contres-investissements de l’horreur primordiale : celle de l’inceste, et de sa représentation substitutive : la jouissance féminine.

Catherine Couvreur tente également de comprendre la peur du féminin chez l’homme.« Peut-être ce qui fonde cette crainte est que la femme est autre que l’homme, qu’elle apparaît incompréhensible, pleine de secret, étrangère, et pour cela, ennemie ». Peut être pouvons nous de nouveau se référer à « l’envie », selon M.Klein

 

Au Congrès des psychanalystes de langue française des pays romans.1983, plusieurs analyses se penchent sur « le féminin dans les deux sexes »

Jean Cournut et Monique Cournut-Janin :Tentent de sortir la psychanalyse du monisme phallocentrique. Ils montrent que la notion de théorie cloacale « tend à égaliser la différence des sexes dans le trou commun de l’analité » Cette conception  « dénie la différence des sexes. Il n’y a pas de différence, il n’y a que de la castration. »

 

 

 

 

Monique Schneider :Généalogie du Masculin. Coll. Psychanalyse Aubier 2000

Elle remonte jusqu’aux Grecs pour montrer l’héritage de la pensée machiste patriarcale. Elle oppose à l’évaginisation freudienne, une « revaginisation » : le vagin ne se définit pas dans son rapport négatif au phallus, il est « la chose même » (J. André), origine et fondement de toute sexualité, et partant, du masculin. C’est l’inversion de la position de Freud, de la position phallocentrisme à la position vaginocentriste. (le terme est refusé par mon correcteur d’orthographe) La tentative de faire renaître la symbolique du cordon ombilical et sa fonction de liaison par opposition au phallus et sa fonction de rupture.

 

Pour finir, posons cette délicate question: Dans sa conception de la vie sexuelle, la psychanalyse est-elle un fétichisme ?

 

Le clivage du Moi selon Freud, désigne une rupture psychique grave du Moi, une scission d’une partie du moi qui ne communique plus avec l’autre partie et fait l’objet d’un déni: « je le sais mais je ne veux rien en savoir ». C’est le clivage du délire dans la psychose, c’est aussi la problématique fétichiste. Selon la théorie freudienne : la fixation phallique totémique, le clivage et le déni de la différence des sexes définissent la perversion fétichiste. Concernant notre sujet : psychanalyse et genre ; il s’agit du clivage entre un moi féminin et un moi masculin, et du déni du féminin. Clivage, déni de la différence des sexes, en ce sens, la théorie psychanalytique s’inscrirait dans le modèle fétichique qu’elle a elle même fondé.

Ma présentation reprend la notion freudienne de bisexualité, elle repose sur le questionnement du, célèbre psychanalyste anglais : Winnicott qui s’interroge sur le clivage du masculin et du féminin.

Elle intègre dans le concept de bisexualité, les deux genres masculin et féminin sans primauté de l’un sur l’autre et sans exclusion de l’un par l’autre. (Freud lui-même, pouvait aussi écrire: « ni du point de vue biologique ni du point de vue psychologique, les caractères d’un des sexes chez un individu n’exclut ceux de l’autre ». (Trois essais sur la théorie de la sexualité).

Elle entrevoit la nécessité d’un lien interne entre le masculin et le féminin, comparable au lien établi par S.Freud. concernant pulsions de vie et pulsion de mort. Dans la deuxième partie de son œuvre, il construira une théorie des pulsions qui rejoint cette opposition: pulsions de vie (bisexualité) - pulsions de mort (destructivité).  En même temps qu’il découvre cette pierre d’achoppement, ce facteur d’échec que représente la pulsion de mort, le négatif dans la cure ; il se heurte au « roc de la féminité ». 

Groddeck, contemporain de S.Freud soutient déjà à cette époque l’idée d’un refoulement de la bisexualité par la psychanalyse: « il n’y a absolument pas d’homme séparé de la femme, l’être humain est femme-homme et homme-femme. »

Si le clivage disparaît, la différence ne s’annule pas il s’agit toujours d’un système binaire: deux genres présents dans chacun des deux sexes. Mais, la bi-partition n’est plus aussi tranchée, une passerelle interne, établit une communication entre les deux genres constitutifs de la bisexualité. Ce lien masculin-féminin s’avère nécessaire pour assurer la continuité du moi, la souplesse du fonctionnement intra-psychique et la capacité à s’identifier à l’autre dans les relations inter-personnelles.

La rupture de ce lien aurait pour conséquence le refus de l’autre sexe, le besoin de le cacher, l’obérer de la scène sociale, une hyper virilisation ou au contraire, une hyper féminisations.

 

La psychanalyse ne se réduit pas à cette perception réductrice. Son champ d’exploration et de découvertes, sa créativité est considérable. Nous ne pensons plus de la même façon :

Nous savons que nous avons un inconscient, que parfois, il nous gouverne malgré nous ; que nous avons des pulsions de vie, de mort. Nous savons qu ’elles exercent une poussée et parfois nous dirigent plus que nous les dirigeons ce qui nous oblige à une certaine humilité ; nous savons nommer les inhibitions, les défenses psychiques que sont les symptômes, le refoulement, les obsessions, les fantasmes, nous comprenons mieux ce que révèlent nos rêves, nous savons ce qu’est le narcissisme, la culpabilité, la frustration. Nous savons ce que sont les névroses, les psychoses et les perversions.  Nous savons qu’il faut faire un deuil et pas seulement être en deuil. Nous savons, et nous pouvons mieux nous défendre ainsi contre nos démons intérieurs. C’est pourquoi il est plus que jamais nécessaire, pour défendre ce savoir, d’en rectifier ses dérives liées aux convictions personnelles de ceux qui les ont créés.