LE PROBLEME DU SIGNALEMENT DE MALTRAITANCE PAR LES MEDECINS

 

 

 

Les médecins ont été longtemps tenus par le secret médical qui leur interdisait de signaler les cas de maltraitance envers enfants - mais aussi envers les  personnes âgées alors que la loi du 10 juillet 1989 en fait une obligation pour tout citoyen (1)

Lorsque l'opinion s'est enfin inquiétée des maltraitance, notamment grâce a l'effort d'explication de victimes de violence (comme Eva Thomas et l'association SOS-INCESTE)  ou de médecins (comme le Dr Catherine Bonnet), la loi de janvier 2002 (article L41-24-6) devait permettre aux médecins  de signaler les cas d'inceste et autres maltraitances.

 

Or, un problème juridique de fond n'avait pas été résolu par cette loi : lorsqu'un médecin signale un mauvais traitement, il met ipso facto en cause le ou les auteurs de ces mauvais traitements : dès lors comment signaler un mauvais traitement sans risquer de calomnier * (l'accusation de calomnie étant portée contre le médecin dès lors que finalement, le juge pénal n'était pas convaincu de la culpabilité des agresseurs, par les preuves, dont le diagnostic médical n'est qu'un élément) ?

Les règles de déontologie de ces signalements n'ont pas été clairement posées avant l'entrée en vigueur de la loi, et les médecins, (qui ne sont pas juristes), se sont trouvés pris entre deux injonctions contradictoires :

Soit ils dénonçaient et était attaqués par les pères pour diffamation, immixtion dans la  vie privée, certificats de complaisance, aliénation parentale, fausse allégation. .. devant l’Ordre des médecins, soit ils ne dénonçaient pas, et étaient en infraction (devant le Code Pénal).

De nombreux médecins ont été attaqués par des pères et mis en cause devant l'ordre des médecins, et l'Ordre a pris des sanctions qui ont brisé la carrière de médecins de toute bonne foi.

 (Ce fut le cas du Dr Catherine Bonnet, une des premières médecins à avoir aidé les victimes d'inceste : elle fut condamnée à 9 ans d'interdiction d'exercice, peine qui fut ramenée en dernière ressort à .. 3 mois, elle a même été décorée de la Légion d’Honneur pour son action envers les enfants, mais elle a perdu son cabinet médical et rencontré les pires difficultés matérielles. Le Pr Leibovicz lui même avait du "s'insurger" contre les normes posées par ses confrères de l'ordre et déclarer qu'il "signalerait quand même"! ).

                La loi du 30 Janvier 2004, est intervenue pour protéger les médecins en définissant plus clairement les conditions du signalement : la loi précise que les médecins ne sauraient être poursuivis, si :

1) leur signalement est adressé uniquement au procureur de la République

2) leur signalement ne contient que les faits qu'ils ont pu observer en examinant l'enfant ou le malade lui même, et ne doit désigner en aucun cas, l’auteur soupçonné de maltraitance.

 

 

Cette loi laisse subsister plusieurs problèmes :

 

 

 

1) l'URGENCE : le traitement du signalement par le procureur peut être long, ou même simplement "classé", sans que l’auteur du signalement n’en soit prévenu, et dans l’ignorance des motifs.

Des médecins ont été condamnés pour avoir donné des certificats attestant de maltraitance à la mère, dans le cas de procédures de divorce, pour éviter que l'enfant ne doive être remis à un père ou grand père maltraitant : ils paraient en toute bonne foi à l'urgence. Certes les raisons d'interdire cette procédure sont compréhensibles, mais des médecins constatent actuellement que dans les faits,  la procédure alternative proposée, c'est à dire la soumission du cas au procureur, ne permet de réagir à l'urgence. Le traitement du signalement par le procureur peut être long, ou même simplement "classé", sans que l’auteur du signalement n’en soit prévenu, et dans l’ignorance des motifs. Au Canada, la personne qui a signalé connaît la décision prise dans les 72 heures .

Peut être que ce problème peut être résolu si un  tel délai pouvait être respecté et que la procédure puisse passer par le juge des Affaires Familiales .

 

2) L'ATTITUDE DU CONSEIL DE L'ORDRE :

 

L'ordre a fait preuve, en cédant à la demande de pères acharnés, d'une sévérité incompréhensible ( envers des médecins dont le seul tort était de méconnaître les règles du code de déontologie  interprétées par l’Ordre des médecins qui sanctionne ces médecins sur la base de l’article 51 du Code de déontologie « immixtion dans la vie privée. »

 

 Les accusations les plus aberrantes ont servi de base à des condamnations brisant des carrières (ce qui signifie en clair que des médecins ont été mis littéralement a la rue, se retrouvant contraint d'habiter chez des amis  !) :

- ainsi l'Ordre a pu reprocher à un médecin ne n'avoir examiné que son patient (l’enfant) et pas le père de celui, alors qu'un médecin n'est ni juge, ni en l'espèce, expert judiciaire, de plus la loi de mars 2002 (article L 111-52), établi le secret médical entre l’enfant et le médecin, elle n’oblige pas à écouter tous les tuteurs , et les écouter peut être synonyme de rupture du secret médical.

- ainsi l'Ordre reproche-t-il a des médecins leur "immixtion dans la vie privée", alors que le signalement concerne nécessairement des faits relatifs à la vie privée de l'enfant ou de la personne âgée et de leur famille, et que le médecin généraliste, médecin de famille, dans sa fonction même ne peut traiter les personnes sans connaître une partie de la vie privée des patients qu’il prend en charge.

 

L'ordre continue aujourd'hui à poursuivre des médecins, par ex le Dr Frilay, (décision du Conseil National de l’Ordre du 24 juin 2004)  en prenant des décisions qui ruinent leur exercice professionnel et se répercutent sur leurs patients (interdiction d'exercer, suppression de la qualité de médecin référent)

 

Par ailleurs, si  le certificat type peut être utilisé pour des violences physiques avec traces sur le corps,  pour les maltraitances psychologiques, il est totalement inutilisable, car dans ce cas, il s’agit souvent d’un faisceau d’arguments qui aboutiront à une hypothèse (diagnostique) qu’il ne faut pas mentionner ( « je pense que »  a été reproché au Dr Frilay)

               

Le déroulement des procédures devant l’Ordre n’est pas équitable :dossier non remis par les parties adverses, L’Ordre n’entend que les arguments qu’il souhaite, et dans le rapport présenté lors de l’audience, est déjà prise la décision et la condamnation.

L’Ordre a déjà été condamné pour ses pratiques par Juan Miguel Petit, rapporteur des droits de l’enfant à l’ONU.

ll y a donc un antagonisme entre la politique actuelle du gouvernement devant les maltraitances à enfants, personnes âgées , femmes et la politique de l’Ordre. Une refonte claire du Code Pénal et Civil et du Code de déontologie est nécessaire et indispensable. La suppression de la levée du secret médical est insuffisante.

 

 

(texte préparé par le CERF et corrigé par le Dr. Yveline Frilay)