LAICARDES,
PUISQUE FEMINISTES
La question du voile islamique
qui réapparaît dans le débat, inquiète depuis longtemps les féministes.
Les jeunes filles ou femmes le
portent au nom d’une liberté, celle d’exercer leur religion. Le port du
voile n’est pas qu’un signe d’appartenance à une religion. Il symbolise
la place de la femme dans l’islam tel que le lit l’islamisme.
Cette place est dans l’ombre, la relégation, la soumission à
l’homme. Que des femmes le revendiquent ne change rien au sens qui
l’affecte. Il n’est plus à prouver que les dominé(e)s sont les plus
fervents supporters de leur mise sous tutelle. Il n’est plus sûre oppression
que l’auto oppression. Mais les jeunes filles qui s’accrochent à leur
voile, ne veulent pas pour autant renoncer aux bienfaits d’un état laïc et
officiellement égalitaire.
Or c’est là que réside le nœud
du problème. La France est une nation qui respecte deux principes : la laïcité,
qui suppose la séparation du religieux et du politique, et l’égalité des
sexes. Ces principes sont l’aboutissement de longues luttes, qui tout au long
de notre histoire, ont tenté de donner le pas à la loi humaine sur la loi
divine et de faire triompher la raison sur la foi. Le droit français s’est
construit au cours des siècles, depuis les lois fondamentales du Royaume et les
parlements, sur la conciliation et l’équilibrage entre des libertés
contradictoires. La laïcité suppose un espace public neutre, libre de toute
croyance religieuse, où évoluent des citoyens soumis au même traitement,
qui partagent des droits, des devoirs communs et un bien commun, qui les
placent au delà des différences discriminantes .
Tant que le port du voile
restait dans la sphère de l’intime conviction personnelle, il ne contrevenait
pas aux principes qui gouvernent la France. Chacun, chacune est libre en effet
de croire en son for intérieur en un dieu, de penser que les femmes seraient
des êtres inférieurs, qu’il faut voiler pour éviter aux hommes la
tentation, qu’on peut marier de force, lapider si elles sont adultères.
C’est cela aussi la liberté de penser. Afficher
ce symbole dans l’espace public, régi par les principes de laïcité et d’égalité
des sexes, marque une remise en cause de ces principes. On peut encore autoriser
un tel affichage au nom de la liberté d’expression. Mais à condition qu’il
ne soit pas l’instrument insidieux d’un prosélytisme intégriste, qui range
les femmes en deux camps : soumises
ou putes. Là où commence la
violence sociale, morale ou physique contre les femmes qui ne portent pas le
voile, doit s’arrêter la liberté de le porter.
Comment en sommes nous arrivés
à douter de ce qui fait la structure et la fierté de notre démocratie ?
L’affaire du voile est un symptôme, parmi d’autres de la grande confusion
qui règne sur les esprits et des régressions à l’œuvre. La régression a
lieu sous l’effet conjugué d’un individualisme mal compris, et d’un
complexe d’ex-colonisateur.
L’individualisme : le
refus crispé de toute norme, qui renvoie à la phobie du moule, conduit à
rejeter toute limite, au prétexte qu’elle brimerait La «liberté ».Chacun
est « libre » dans notre système libéralo-libertaire. Libre tout
seul ? Toutes ces libertés additionnées, ça donne quoi ? La grande
chienlit ? Ou la prévalence de la liberté de certains sur les autres ?
Ainsi, nous avons eu abondamment droit, nous les féministes, aux brames indignés
de la gent publicitaire et médiatique sur les atteintes à la « Liberté
d’expression », dès que nous prétendions faire entendre notre son de
cloche sur les débordements des représentations sexistes. Ces indignations
hypocrites protégent en fait les
intérêts de ceux qui remplissent leurs tiroirs caisses avec ces images. Idem
pour la « liberté »
supposée de porter le voile : qui sert elle en réalité ? Un voile
peut cacher une barbe…
Mais pas touche à mon « droit
à la différence » ! Dans notre société post coloniale, travaillée
par une culpabilité mal assumée, la phobie d’être accusé de racisme par
« refus de l’autre » conduit à la sacralisation irraisonnée de
la différence. Nous vivons ainsi sous la coupe d’une bien-pensance héritée
des réflexes de « gauche », dont même la droite est victime. Voilà
comment, au nom du respect des coutumes, on nous a fait honte quand nous avons décidé
de dénoncer l’excision et de porter devant la justice les cas d’excision.
De cet état d’esprit apeuré qui se réfugie dans une tolérance tous
azimuts, les islamistes jouent à fond, sans état d’âme.
Le drame est, qu’en réalité,
cette bien-pensance là est un véritable racisme, qui ne se voit plus, mais qui
survit et se réincarne dans l’antiracisme apparent du « droit à
la différence ». Le bigotisme islamiste dont l’équivalent chrétien
nous indignerait, c’est « bon pour les maghrébin-es »...
Il est vrai en un sens que le voile n’est qu’un épiphénomène :
il n’est que la partie émergée
de l’iceberg. L’iceberg, c’est la politique de mainmise des « réseaux
d’Allah » sur les populations issues de l’immigration, et en
particulier sur les jeunes. Grâce à leurs moyens financiers,
ils offrent soutien scolaire, aide aux familles en difficulté,
persuadent les élus que les jeunes islamisés seront moins délinquants…
Ne pas abandonner nos jeunes à
un endoctrinement aussi mortifère devrait être considéré comme une priorité,
un devoir « sacré » de l’Etat. Mais il laisse faire, justifié
d’avance par les idées de respect des différences et de libertés
absolues…
Les obscurantismes ont la vie dure. Mais ne nous laissons
pas tirer insidieusement en arrière : les religions doivent être soumises à
la LOI, donc au principe de l’égalité des
sexes. Evidemment, nous sommes laïcardes, puisque féministes.
En pratique, nous demandons :
a)
- l’interdiction du voile dans les lieux d’enseignement et de vie
commune (école, fac, entreprise, administration),
- si les agressions envers les
femmes non voilées se perpétuaient : l’interdiction du voile dans la
rue,
- d’une façon générale,
l’application la plus stricte de la loi de 1905,
b) - la fin de l’enseignement
des religions hors des cours
d’histoire et de philosophie,
- un enseignement des principes
du droit des libertés publiques et de leurs bornes,
- un enseignement sur les
discriminations : sexisme, antisémitisme, racisme, homo-lesbo-phobie.
Anne Zelensky,
présidente de la Ligue du Droit des Femmes,
Anne Vigerie,
du Cercle d’étude de réformes féministes.